ƒ article de Denis Sanglard
Complètement givré ! Une création collective azimutée où douze énergumènes avec un humour très pince-sans-rire vous embarquent dans une odyssée hilarante sans queue ni tête. Ou presque. Jeanne Candel se pose gravement des questions. La genèse, la création, la conquête de l’espace… Sacré programme ! Mais les réponses apportées sont complétement barrées. C’est loufoque, absurde et d’un non-sens réjouissant. Mais attention ! Malgré ce côté complètement zinzin et décousu où se chevauchent trois histoires qui peut-être n’en font qu’une, c’est redoutablement intelligent et fort bien troussé. Et c’est par le bout du nez qu’elle nous mène justement. Les références volontaires et sérieuses abondent, matériaux d’une recherche, d’une quête des origines. La Bible, Ovide, la peinture classique, l’histoire de l’art, Borges, la Nasa… Et c’est donc logiquement qu’elle s’intéresse à l’infiniment petit, l’ADN, comme à l’infiniment grand, la conquête de l’espace. Tout ça donc participe de la Création, c majuscule ou minuscule c’est du pareil au même. Création qu’elle brasse, mouline, secoue et interroge par tous les bouts. Un creuset pour des images, des situations improbables et hilarantes qui tentent, non pas de donner une réponse à toutes les questions que se pose benoîtement Jeanne Candel, mais de démontrer au contraire que de réponses il n’y en a pas. Le doute demeure. Le Léviathan dort il encore au fond de son lac de Sibérie ? Un tableau énigmatique ne livre pas tous ses secrets. Un écrivain est en panne sèche d’inspiration. Et pendant ce temps des cosmonautes tournent autour de la terre.
Les comédiens-musiciens sont parfaits, toujours chic et sérieux, impeccables dans leurs démonstrations les plus improbables. Ce sont les Branquignols abordant la métaphysique, louchant sur Pina Baush – c’est sans doute l’inspiration la plus visible. Ils font montre de talent et d’invention dans les situations les plus invraisemblables. Rien, jamais, de trop. Qu’une jeune femme s’enfourne, fourrée comme une dinde dans le four, qu’une autre s’énuclée pour de ses yeux faire deux boules pour un cornet ou encore qu’une dernière collecte méticuleusement son ADN, rien de trash. Jeanne Candel ne déborde jamais les limites du bon goût et c’est pire car on devine que derrière tout ça il y a comme une folie latente prête à exploser. C’est cette tension-là qui est jubilatoire. Ses personnages sont borderline sous le calme apparent et la panique, ou la folie on ne sait, n’est jamais loin qui effleure à peine. Rien donc d’extraordinaire à les voir se mouvoir dans le burlesque ou la cruauté, car il y en a, avec autant de naturel et la même aisance qu’ils passent d’un air baroque à pop. Et c’est ce décalage qui provoque le rire secouant la salle pendant les quelques deux heures de cette création sérieusement déjantée.
Le goût du faux et autres chansons
de Jeanne Candel
Mise en scène Jeanne Candel
Scénographie Lisa Navarro
Lumières Vyara Stefanova
Régie générale et construction décors François Gauthier Lafaye
Construction Flavien Renaudon Hardy
Costumes Pauline Kieffer
Assistant mise en scène Douglas Grauwels, Nans Laborde-Jourdaa
De et avec Jean-Baptiste Azema, Charlotte Corman, Caroline Darchen, Marie Dompnier, Vladislav Galard, Lionel Gonzales, Florent Hubert, Sarah Le Picard, Laure Mathis, Juliette Navis, Jan Peters, Marc VittecoqThéâtre de la Cité Internationale
17, bd Jourdan – 75014 ParisDu 24 novembre au 13 décembre 2014
les lundis, mardis, vendredis et samedis à 20h30.
19h30 le jeudi. Relâche les mercredis et dimanche.Réservations 01 43 41 50 50
www.theatredelacite.comFestival d’Automne à Paris 01 53 45 17 17
www.festival-automne.com
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