© Peter Gunnar
ƒƒ Article de Sylvie Boursier
« Je vais bien ne t’en fais pas » aurait pu écrire Maxime à sa sœur après sa disparation inexpliquée à l’adolescence, mais il ne l’a pas fait et son absence résonne comme un trou noir. Réduite au silence, Anna n’a plus qu’à prier Le dieu des causes perdues (quel joli titre !!). Au récit des faits bruts – une nuit, un coup de téléphone des forces de l’ordre dont on ne connaîtra pas vraiment la teneur, succède les fragments d’un récit diffracté sous le choc d’une déflagration silencieuse au sein de la famille.
Dans cette petite forme d’à peine une heure, une comédienne navigue entre slam et hip hop sur une prosodie proche du flow rap, un musicien lui répond avec une infinie douceur, presque rien sur la scène écrin de la salle Bérard à l’Athénée, fourreau idéal pour ce diamant brut à déguster les yeux mis-clos. Ce qui ne peut être dit rejoint ce qui ne sera pas, les mots ont le poids de l’absence et se déplient en boucles psalmodiées. On ne saura pas grand-chose d’Anna, ni du frère disparu, juste quelques signes, la résonnance du drame dans la chair d’une femme à la parole intempestive. Noémie Rimbert fait corps avec le texte d’Agathe Charnet dans une performance live frontalement adressée.
Ce spectacle concert à la poésie rageuse nous détourne des paroles inutiles, Dix petites représentations fragiles qui ont la grâce des premières fois, quand le produit fini garde la délicatesse de l’esquisse, avec une comédienne qui nous émeut et nous rend heureux. Juste le jeu, la musique et les mots, rien que ça.
© Peter Gunnar
Le Dieu des causes perdues, d’Agathe Charnet
Mise en scène : Ambre Kahan
Jeu : Noémie Rimbert
Composition et interprétation musicale : M’Hamed Menjra
Création lumières : Zélie Champeau
Durée : 1h
Du 6 au 16 juin 2024 à 20h30
Théâtre de l’Athénée
4 square de l’Opéra Louis-Jouvet
75009 Paris
Réservation :
01 53 05 19 19
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