Critiques // Critique • « Le Cri d’Antigone » d’après Henry Bauchau à la Maison des Métallos

Critique • « Le Cri d’Antigone » d’après Henry Bauchau à la Maison des Métallos

Oct 15, 2010 | Aucun commentaire sur Critique • « Le Cri d’Antigone » d’après Henry Bauchau à la Maison des Métallos

Critique d’Evariste Lago

Un cri perdu dans le monde

Antigone est-elle folle ?

Le cri d’Antigone est une création et une adaptation du roman de Henry Bauchau Antigone, par la metteur-en-scène Géraldine Benichou. L’auteur est un écrivain/dramaturge francophone belge qui a choisi Paris comme résidence en 1975. Son œuvre mythologique débute par la publication d’Œdipe sur la route (1990), suivi de Diotime et les lions (1991) et s’achève avec Antigone (1997). L’œuvre de Bauchau s’inspire énormément de la psychanalyse.

Ce spectacle est une œuvre du Théâtre du grabuge, fondé en 1996 à Lyon, dont l’ambition est de « partager l’imaginaire et les propositions artistiques entre artistes et habitants d’horizons différents pour œuvrer aux décloisonnements sociaux, économiques, culturels et idéologiques que fabrique notre société ». Beau programme ! Entrer dans cette pièce ne demande pas une connaissance parfaite de la mythologie grecque : Antigone, fille de Jocaste  et d’Œdipe, roi de Thèbes, sœur d’Etéocle, de Polynice et d’Ismène, se livre et raconte son histoire, une histoire intemporelle. Elle a suivi son père, Œdipe, dans la mendicité jusqu’à sa mort. Esseulée, elle s’en retourne à Thèbes et découvre que ses frères, Etéocle, nouveau roi de Thèbes et Polynice, évincé du pouvoir et de la cité, sont décidés à en découdre. La guerre éclate, la pauvreté s’abat sur la cité et Antigone ouvre sa maison aux indigents et mendie à nouveau. C’est la seule chose à faire. Les Thébains la prennent pour une folle. Elle aussi, parfois, se prend pour une démente. Elle va tenter de réconcilier ses frères avec pour seule arme, ses cris et ses pleurs. Est-ce possible ? Peu importe, c’est la seule chose à faire.

La femme est l’avenir de l’homme

Pour Géraldine Bénichou, c’était également la seule chose à faire : mettre en scène cette Antigone de Bauchau après avoir refermé le roman. Faire s’exprimer Antigone avec grâce, faire naître le sentiment et l’humanité sans tomber dans le pathos, le pari était difficile. Il est réussi. Magalie Bonat, seule sur scène, comme Antigone dans Thèbes, nous livre les émotions d’un personnage écorché. Contrepoint du cri intérieur d’Antigone mais aussi double caché, Salah Gaoua, s’exprime par le chant comme un intermède à la souffrance féminine. Le choix de sonorités arabes nous rappelle la difficile condition féminine dans certaines contrées éloignées et parfois même si proches. La nudité moderne du plateau, ponctuée d’un seul praticable, comme la tribune sur la Pnyx grecque ou le trottoir d’une ville, nous laisse vagabonder de l’Antiquité à notre époque. Le cri d’Antigone est un cri de résistance et de révolte. Elle crie non à la souffrance, aux morts inutiles et à la bêtise des hommes, des mâles. La femme, après l’avoir portée, engendre l’humanité et ressent exclue de sa marche. Mais l’espérance est plus forte.

Le cri d’Antigone
D’après : Henry Bauchau, « Antigone »
Adaptation et mise en scène : Géraldine Bénichou
Avec : Magalie Bonat, Salah Gaoua (chants)
Scénographie : Anouk Dell’Aiera
Costumes : conçus par Cécile Léna et réalisés par Florence Gil
Lumières et régie générale : Thomas Chalazon
Création sonore : Philippe Gordiani
Son : Yannick Vérot
Un spectacle de la compagnie Théâtre du Grabuge (Lyon)

Du 13 au 22 octobre 2010

Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud, 75 011 Paris
www.maisondesmetallos.org

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