© Céline Vincent

ƒ Article de Victoria Fourel

C’est l’histoire d’un comédien qui a un jour demandé à Zweig de lui écrire une comédie sur mesure, qui le mettrait en valeur, preuve s’il en est que l’ego du comédien n’a d’égal que son ambition. C’est de l’histoire de la création de ce texte qu’est née l’envie de la mettre en scène pour Thibaud Vincent, critique de son milieu et de sa propre image.

Cette pièce courte et efficace de Zweig retrace l’entretien entre un comédien, pauvre, nomade, discret, et sa souveraine. Venu pour lui demander sa protection, il se retrouve pris dans des qui pro quo, des tirades enflammées et un coup de foudre. C’est alors qu’il se découvre et redécouvre sa vocation d’acteur. Le théâtre ne l’amoindrit pas, il le grandit, et soudain apparaît sa fierté, son ego, sa fatuité, même. Au fur et à mesure du spectacle, il est de plus en plus content de lui, et de plus en plus drôle malgré lui. Sujet intéressant et éternel du milieu théâtral, qui veut que l’on se montre à la fois passionné et calculateur, pédant et humble.

Tout d’abord, il faut noter que le metteur en scène joue également le rôle du comédien, ce qui est une mise en abyme intéressante de l’acteur un peu trop sûr de lui qui se dirige lui-même. Un exercice d’ailleurs plutôt réussi, car si la performance est un peu scolaire, elle prend en ampleur tout au long du spectacle, offrant à Thibaud Vincent de beaux moments de jeu. Peut-être le fait de se diriger dans un personnage toujours présent au plateau l’a empêché de diriger aussi précisément ses partenaires, qui ont du mal à trouver l’original et le concret dans un texte savoureux, mais très écrit. Des choix de diction un peu classiques tranchent avec l’univers de la pièce, et des personnages aux gestes et aux attitudes un peu répétitifs nous empêchent de voir les comédiens comme totalement vrais dans leurs partitions respectives.

De la même façon, ce huis-clos s’accompagne du violon de Pierre-Marie Bommier, qui fait le lien entre les scènes et ajoute à l’ambiance mondaine. Sa performance au violon électrique est intéressante, tant les arrangements et les jeux de boucles sont bien faits. On regrette seulement le côté répétitif également de ses interventions, qui auraient pu être bien plus surprenantes.

Il y a un décalage certain dans ce spectacle. D’une part, l’intérêt de faire découvrir ce texte est certain. Il parle de la vision qu’a le comédien de son art, et comme sa tête peut devenir grosse lorsque sa valeur lui est démontrée. Sujet actuel, drôle, très théâtral. Et d’autre part, il y a cette sensation d’inachevé. L’univers visuel est intéressant, sans pour autant être très nouveau, la mise en scène est un peu installée malgré quelques coups d’éclat, et le tout semble rapide dans les scènes. On sort donc heureux d’avoir entendu cette langue et ce drôle de discours, sans pour autant avoir vécu ce moment intensément.

Le Comédien Métamorphosé, texte Stefan Zweig

Mise en scène  Thibaud Vincent

Scénographie  Aurélia Gonthier

Lumières  Georges-Antoine Labaye

Avec Simon Jouannot, Alizé Lombardo, Sven Narbonne, Thibaud Vincent, et Pierre-Marie Bommier au violon

Du 9 au 17 octobre 2018, du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 17h00

Théâtre des Marronniers

7 rue des Marronniers

69002 Lyon

Réservations  04 78 37 98 17

http://www.theatre-des-marronniers.com

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