À l'affiche, Critiques // « Le Chanteur d’Opéra » de Frank Wedekind au Théâtre de la Loge

« Le Chanteur d’Opéra » de Frank Wedekind au Théâtre de la Loge

Déc 18, 2014 | Commentaires fermés sur « Le Chanteur d’Opéra » de Frank Wedekind au Théâtre de la Loge

ƒƒƒ article de Victoria Fourel

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  »Je ne suis pas mon propre maître » scande le Chanteur d’Opéra que met en scène Frédéric Jossua au Théâtre de la Loge. Pris par ses engagements, adulé par ses admiratrices, il se débat contre l’image que l’on se fait de lui, et celle que l’on exige de lui. Le jeune homme représente ainsi à la fois la place de l’artiste dans la société, le désir, le pouvoir.

Dans ce texte d’une actualité criante, on questionne le génie (doit-on se battre toute sa vie pour la reconnaissance ? Quelle est la liberté de l’artiste?), l’engagement de l’homme et l’aura du chanteur. Les comédiens font parvenir chaque sujet, chaque envolée lyrique, chaque moment d’émotion avec force et sans retenue. Le texte, à la fois parlé et poétique est délivré avec rythme, et dans cette pièce courte, chaque seconde est sujette à confrontation, à débat, à tension. Il y a de l’énergie et du charisme, on entend les sonorités, et le lâcher prise des personnages, et donc des comédiens (Elsa Grzeszczak, dans le rôle d’Hélène, joue par exemple la force et le pathétique avec bonheur). Oskar, le chanteur d’opéra admiré, ne parvient pas à quitter sa chambre, et tente de repousser ceux qui l’entourent en assénant à chacun ses certitudes : l’amour n’est qu’une farce, la scène n’intéresse personne et n’est qu’un prétexte pour se montrer, l’artiste ne choisit pas ce qu’il chante.

En tournant en dérision la ‘star’ pleine de certitudes, l’admiratrice adolescente, ou le vieux compositeur en quête de reconnaissance, Wedekind trace le portrait de sa société et de ses carcans, et prête à rire des caractères pathétiques de ses personnages. Mais c’est justement ce qui pose problème à la mise en scène ici. Malgré une très belle lumière et une ingénieuse dynamique, on regrette que l’ambiance générale ne reflète pas beaucoup l’enfermement que les protagonistes (et la société toute entière) impriment sur l’homme, sur l’artiste, sur la vie d’Oskar en général. En effet, on aurait aimé sentir davantage que le personnage ne parvient pas à quitter sa chambre à cause des visites (ou prises d’otage) incessantes, qu’il s’enferme pour honorer son contrat ‘d’esclave’, comme il le dit lui-même, et passe à côté de la passion, de la liberté, de la création.

Ainsi, le décor ou les costumes oscillent entre hôtel d’un autre temps et époque moderne, et perd un peu de la tension du texte, pourtant omniprésente dans toute la pièce. On ne parvient ainsi pas totalement à se laisser porter par la folie, par la générosité, par les passions de l’artiste et de son public.

On ne peut en revanche rien retirer à ce travail qui sait trouver son rythme, qui regarde ses spectateurs dans les yeux, et tient de la tragédie, du pathétique, du romantique, du boulevard, et qui ne laisse pas une seconde de répit à son public. Le travail de Frédéric Jessua rend justice aux personnages, à leur époque et à ce qu’ils en disent en 55 minutes, et donnent à voir une langue drôle, précise, un vrai moment de poésie et de théâtre.

Le Chanteur d’Opéra
De Frank Wedekind
Mise en scène et décor de Frédéric Jossua
Lumières de Marinette Buchy
Avec Léonard Bourgeois-Tacquet, Frédéric Jessua, Matthieu Dessertine, Lou Joubert, Jean-Claude Bonnifait, Moïra Dalan ou Julia Leblanc, Elsa Grzeszczak.

Du 16 au 19 décembre 2014

Théâtre de la Loge
77, rue de Charonne
75011 PARIS
Métro Charonne, Ledru-Rollin, Faidherbe-Chaligny
www.lalogeparis.fr

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