ƒƒƒ article de Jean Hostache
©DR
Présenté comme un tryptique, Le Braiser se construit successivement d’un trio, d’un duo, et d’un monologue final, que trois comédiens (dont le jeu relève du génie histrionique) interprètent avec grandeur.
Ces fragments de vie fonctionnent selon une boucle, une histoire cyclique à la manière de Schnitzler dans La Ronde. Une verticalité qui donne le vertige, et reprend dans sa forme, les modèles fatals des tragédies grecques. Ici, dans une logique d’esthétisation et de poétisation du banal, Le Brasier fait de l’homme familier un héro aux saveurs grandioses de l’hellénisme. Une comédie amère, qui retrace le destin d’une hérédité maudite, à l’image des grands rois, qui pourtant vient se situer dans notre monde le plus banal. Le destin tragique n’est plus une histoire de dieux, mais bien uniquement celle entre les Hommes.
Le théâtre radical de Philippe Cyr, jeune metteur en scène québécois, vient chercher là où ça gratte. Il fait de nous, le temps d’une représentation, des spectateurs « intranquilles ». Sachant bien jouer des conventions théâtrales, il ne cesse de les bousculer, de les déranger, si bien même que notre confort périclite pour mieux basculer dans le joyeux feu du Brasier. Sa proposition scénique est aussi fine, sensible et profonde qu’universelle. La pari de faire un théâtre de qualité, lucide sur le monde qui l’entoure, et rassemblant une communauté de spectateurs plurielle, est réussit haut la main. Cela est dû sans doute à la générosité des acteurs, leur plaisir et leur gout à raconter une histoire et y croire de manière viscérale. Les tensions qu’ils génèrent au plateau, nous font public éminemment vivant et actif. Leur jeu est un ballet qui claudique entre des rouages farcesques et des mécaniques malheureuses, qui nous déchirent entre le rire et les larmes. Nous saluerons également l’inventivité de la scénographie, des lumières et du son, dont la singularité et son gout du kitch laisse au spectateur un appareillage symbolique à imaginer, à digérer et à rêver, plutôt qu’à simplement contempler.
Cette compilation parfaite du texte, de l’interprétation et de l’agencement scénique donne véritablement la fièvre au spectateur, et fait du Braisier un feu inextinguible, qui continue de brûler au sortir de la représentation. Il y a longtemps que nous n’avions pas côtoyer au théâtre, des forces aussi puissantes que celles-ci.
Le Brasier
Texte David Paquet
Mise en scène Philippe Cyr
Assistance à la mise en scène et régie Émilie Gauvin
Scénographie et costumes Odile Gamache
Éclairages Cédric Delorme-Bouchard
Environnement sonore Mykalle Bielinski
Direction technique Charles-Antoine Bertrand-Fontaine
Avec Paul Ahmarani, Kathleen Fortin, Dominique QuesnelDu 27 septembre au 26 octobre à 20h
Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
3900 Rue Saint-Denis, Montréal, QC
M° Sherbrooke
www.theatredaujourdhui.qc.ca
comment closed