À l'affiche, Critiques // Le Bord, d’Edward Bond, mise en scène Jérôme Hankins, au Théâtre de l’Epée de Bois / Cartoucherie de Vincennes

Le Bord, d’Edward Bond, mise en scène Jérôme Hankins, au Théâtre de l’Epée de Bois / Cartoucherie de Vincennes

Juin 13, 2018 | Commentaires fermés sur Le Bord, d’Edward Bond, mise en scène Jérôme Hankins, au Théâtre de l’Epée de Bois / Cartoucherie de Vincennes

Article de Victoria Fourel

Il va partir à l’autre bout du monde. Fuir ou faire sa vie, en tout cas, il va partir. Au retour de sa dernière soirée, il tombe sur un homme, endormi, saoul. Leurs trajectoires se croisent, et le jeune homme reprend sa route. Le vieux bonhomme réapparaît pourtant, entrant sans demander l’autorisation dans la séparation d’un garçon et de sa mère. On règle ses comptes, on se dit au revoir, on veut aider et on veut survivre.

Ça commence avec simplicité, dans un décor minimaliste, par une chute et une rencontre. Les deux comédiens jouent cette rencontre avec naturel, et Yves Gourvil, notamment, est immédiatement attachant dans le rôle d’un homme perdu face à la rue. Et de cette rue au décor noir, on passe à la maison, blanche, elle, mais paradoxalement plus étouffante. En dehors de cet effet intéressant, la mise en scène pose une table et deux chaises centrales, deux portes et le sac de voyage du jeune homme, oscillant entre deux propositions : la sobriété totale qui laisse le champ libre à notre imaginaire, et la mise en scène naturaliste où tout est donné. Aucune des deux n’est menées jusqu’au bout, au final.

C’est d’ailleurs l’effet général de ce spectacle. Le texte, dans une nouvelle traduction, à un certain impact, mais n’est jamais totalement adressé et aussi percutant qu’on le désirerait. On peut complètement passer à côté de jolis moments, tant l’ensemble est chanté. Et au-delà du niveau de jeu, qui fait que tout l’argument du spectacle perd en force, c’est un vrai problème de rythme qu’on perçoit rapidement. Tout semble aller très vite. La rencontre, les entrées et sorties, il n’y a aucune place pour la respiration, et à la fois, on sent les temps morts, on entend les comédiens se couper la parole aux bons endroits… Le tout dégage une énergie en dents de scie, qui ne maintient pas la tension ni ne se laisse investir par nos suppositions, nos idées.

Ce spectacle parle de la difficulté à se protéger et à la fois à être solidaire, à faire sa vie sans couper ses racines, à ne pas en vouloir à l’autre d’être là, aussi, sur la même terre, dans la même ville. Le message est bien passé, un peu trop pressant peut-être, et manquent alors la surprise, la transformation d’une scène de la vie quotidienne en moment de fiction qui décuple les caractères et les craintes des uns et des autres. Malgré une courte durée et un propos concis, on ne parvient jamais vraiment à quitter le sol et le côté plat des échanges et du rythme.

Ce texte d’apprentissage, destiné aux jeunes, comme c’est le cas d’une partie du répertoire d’Edward Bond, a ce goût d’inachevé, laissant une frustration certaine. On attend tout le spectacle durant qu’il prenne un nouveau tournant, une force toute autre, dans la confrontation comme dans la poésie.

 

Le Bord
Texte Edward Bond
Mise en scène Jérôme Hankins
Assistante mise en scène Aurore Kahan
Scénographie et accessoires Alexandrine Rollin
Lumières Anne Vaglio
Régie générale Vincent Lengaigne
Costumes Hélène Falé
Avec Françoise Gazio, Yves Gourvil et Hermès Landu.

Du 11 au 30 juin 2018, du lundi au samedi à 20h30, le samedi à 16h.

Théâtre de l’Epée de Bois
La Cartoucherie
Route du Champ de Manoeuvre 75012 PARIS
Réservation 01 48 08 39 74

 

 

 

 

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