© Juliette Parisot
f article de Denis Sanglard
Plateau nu, en fond une toile peinte de bleue qu’une lune laiteuse semble éclairer, quelques pendrillons à jardin et cour et rien d’autre. Une ambiance entre chien et loup pour dire combien on économise la chandelle en cet endroit désolé. Nul accessoire autre qu’une table qui passera et disparaitra bien vite. Jérôme Deschamps fait dans la sobriété ou l’avarice puisqu’il monte cet Harpagon dans un dépouillement absolu. « Montrer moins pour en dire plus » comme le souligne citant Jacques Tati celui il y a peu jouait Monsieur Jourdain dans un luxe inversement proportionnel à cet austérité voulue. Le texte donc, dans toute sa charge, sa cruauté – il y en a – et cet humour ravageur, ce rire que Molière en génie de la comédie savait dispenser avec largesse pour mieux dénoncer les mœurs de ses contemporains. De l’avarice et de ses conséquences, des intérêts contradictoires qui mêlent amours et argent, de la soumission ou de la rebellion des jeunes filles. Mais… On aurait aimé une lecture bien plus incisive, plus polémique ou encore davantage burlesque comme nous l’avait accoutumé Jérôme Deschamps (pour mémoire de mémorables « Précieuses ridicules »). Là non, lecture fort sage, sans point de vue réel, parfaitement articulée. Quelques gags ici ou là mais sans grande originalité, voire convenus. Au demeurant tout est impeccable, les acteurs jouent fort bien, voire avec excellence leur partition, mention spéciale à Lorella Cravotta en irrésistible Frosine, les costumes sont très beaux (signé Macha Makeïeff), la mise en scène va de soi, court gentiment à son terme en suivant fidèlement le texte, sans surprise aucune. Il manque à tout ça un je-ne-sais-quoi, quelques reliefs sans doute qui permettrait une accroche soudaine, un brusque intérêt. Ce n’est pas qu’on s’ennuie, cela est fort plaisant, on rit gentiment, mais n’apporte à vrai dire rien de plus. Voilà, osons le dire, c’est d’un classicisme parfait et de bon aloi, ce qui ne vaut pas forcement compliment. Jérôme Deschamps est un harpagon matois, faussement bonhomme et patelin, mais qui ne semble pas aller au-delà du texte, comme sa mise en scène qui ne le dépasse pas non plus. « Montrer moins pour en dire plus », soit, mais il semble ici ne rien avoir à dire de plus. Au diable l’avarice !
© Juliette Parisot
L’avare de Molière
Mise en scène de Jérôme Deschamps
Décor : Felix Deschamps Mak
Costumes et accessoires : Macha Makeïeff
Lumière : Bertrand Couderc
Assistanat à la mise en scène : Damien Lefèvre
Assistant au décor : Anton Grandcoin
Assistant à la peinture : Alessandro Lanzillotti
Assistante aux costumes : Laura Garnier
Perruques et au maquillage : Emmanuelle Flisseau
Assistante aux perruques et au maquillage : Rebecca Barrault
Avec : Flore Babled en alternance avec Bénedicte Choisnet, Lorella Cravotta, Vincent Debost, Jérôme Deschamps, Fred Epaud, Hervé Lassïnce, Louise Legendre, Yves Robin, Stanislas Roquette, Geert Van Herwunen en alternance avec Bastien Chavrot
Du 5 au 29 avril 2023 à 20h, dimanche à 15h
Relâche les 9, 10, 17 et 24 avril
Théâtre les Abbesses
31 rue des abbesses
75018 Paris
Réservation : 01 4274 22 77
www.theatredelaville-paris.com
tournée : Fêtes nocturnes de Grignan du 23 juin au 19 aaût 2023, www.chateaux-ladrome.fr
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