Critiques // « L’affaire de la rue Lourcine » de Labiche au Théâtre de la Cité Internationale

« L’affaire de la rue Lourcine » de Labiche au Théâtre de la Cité Internationale

Avr 02, 2010 | Aucun commentaire sur « L’affaire de la rue Lourcine » de Labiche au Théâtre de la Cité Internationale

Critique de Bettina Jacquemin

Complexité humaine

Ou comment Lenglumé, bourgeois du Second Empire découvre, avec une frénésie à la fois panique et délicieuse, qu’il faut parfois être prêt au pire pour sauver la face ou satisfaire ses plus secrets désirs.

Un lendemain de cuite, le bourgeois Lenglumé se réveille avec un homme dans son lit. Qu’ont-ils fait la nuit d’avant ? Et où sont parapluie vert et mouchoir brodé ? Et qui est ce cadavre dont parle le journal ? Oh mon Dieu, Lenglumé est-il un meurtrier sans le savoir ?

© Élisabeth Carecchio

Une intrigue haletante

A ceux qui s’attendent à apprécier un Vaudeville et sa surenchère d’intrigues et de rebondissements, vous ne serez pas déçus ; tout y est ! Lorsque Lenglumé et un ancien camarade de jeunesse, Mistingue, se réveillent côte à côte suite à une soirée arrosée, bien peu de souvenirs reviennent à leur mémoire. Ils portaient bien ce parapluie vert. Mais, qu’en ont-ils fait ? Et, pourquoi, ont-ils les mains noircies de charbon ? Le domestique, Justin ne tarde pas à aiguiller leurs doutes et leur annonce le meurtre d’une charbonnière. De quoi les apeurer un peu plus.

La mise en scène proposée par Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma conserve le canevas de cette pièce en un acte d’Eugène Labiche. Les quiproquos se succèdent et entraînent les personnages dans une intrigue policière haletante. Mais, s’ajoute à cela une réelle folie scénique !

Un tourbillon loufoque

Le rideau se lève du côté du Théâtre de la Cité Internationale. Et, l’on perçoit rapidement la valse folle des propositions scéniques dans laquelle veut nous plonger le duo de metteurs en scène.

Lenglumé porte escarpins et sous-vêtements. Son complice, Mistingue a le nez rougi par l’alcool. Que dire des épouses ? Déformées par des prothèses. Aux fesses énormes et aux seins qui tombent. Dès leur apparition, le rire est volontiers. Mais, il est également peu rassuré. En cause, des portraits caricaturaux et très sexualisés. Un sentiment d’inquiétude renforcé par la démultiplication d’un même personnage. Ce n’est pas en effet un Lenglumé qui apparaît mais plusieurs, et en même temps !

© Élisabeth Carecchio

Des chorégraphies aussi invraisemblables qu’inattendues succèdent à une orgie alimentaire. Une proposition scénique folle dans laquelle on se laisse pourtant vite embarquer. Grâce aux comédiens, notamment…

Un jeu généreux

Ils sortent  de l’école du Théâtre National de Strasbourg et du Conservatoire de Paris. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que les jeunes comédiens présents sur scène ne ménagent pas leur peine. Energie et enthousiasme. Des qualités qu’ils communiquent au public jusqu’à la fin du spectacle. On danse, on chante et on virevolte toujours avec justesse. Les farces s’enchaînent et les comédiens nous entraînent dans leurs tribulations. Et, malgré l’accumulation de propositions scéniques burlesques, on se laisse prendre au jeu fou du tourbillon. La prestation des comédiens est généreuse. Comment ne pas y succomber ?

Commettre l’impensable

Dans ce vaste éclat de rire, une question se pose tout de même. Lenglumé se réveille, incapable de se souvenir de quoi que ce soit. Il suffit de peu d’indices pour que le bourgeois pense être le coupable d’un meurtre. Jusqu’où va-t-il aller pour tenter de se dépêtrer d’une affaire dons il se croit être l’instigateur ? Que peut faire un homme pour protéger sa respectabilité ? Labiche proposait un portrait corrosif des petits-bourgeois en pleine ascension. On assiste ici, outre les actes au cheminement de la conscience et de l’inconscient. De quoi peut-on être capable ?

L’affaire de la Rue Lourcine
De : Eugène Labiche
Mise en scène : Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma
Avec : Caroline Arrouas, Jean-Charles Clichet, Marion Duphil, Adeline Guillot, Laure Gunther, Antoine Kahan, Maxime Kerzanet, Alexandre Pallu, Gilian Petrovski, Sébastien Pouderoux, Marie Rémond
Assistant à la mise en scène : Rémy Barché
Scénographie : Benjamin Moreau
Costumes : Héloïse Labrande
Lumières : Louise Gibaud
Son : Michaël Schaller

Du 29 mars au 24 avril 2010

Théâtre de la Cité Internationale
17 bd Jourdan, 75 014 Paris
www.theatredelacite.com

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