Critiques // « La Vraie Fiancée » d’après les frères Grimm par Olivier Py à l’Odéon

« La Vraie Fiancée » d’après les frères Grimm par Olivier Py à l’Odéon

Mai 19, 2010 | Aucun commentaire sur « La Vraie Fiancée » d’après les frères Grimm par Olivier Py à l’Odéon

Critique de Bruno Deslot

Une illusion comico-tragique

Une jeune fille prend la fuite après avoir appris qu’elle a provoqué la mort de son père. Condamnée à errer dans la forêt, elle y survivra grâce à l’amour et à l’amitié.

© Alain Fonteray

Dans un décor aussi scintillant que lumineux, les comédiens arrivent en fanfare sur un plateau sombre rehaussé de dorures et peuplé de personnages inattendus tant par leurs propos que par leurs intentions. Ici, Peau d’Âne croise Cendrillon, pendant que la Marâtre, aux allures de Miss Knife, tyrannise la petite fille soumise à des travaux bien ingrats. Mais un Ange veille sur elle, c’est celui des enfants qui travaillent. Sa nouvelle petite soeur n’est autre qu’une poupée de cire, vaste machination de la Marâtre qui apprend à la jeune fille qu’elle a provoqué la mort de son père ! L’enfant s’enfuit dans la forêt et débute alors un voyage initiatique sur la longue route de l’inconnu où le malheur et la solitude se transformeront bientôt en justice et comédie, puissances triomphatrices d’une fable sombre qui convoque la nuit pour faire se rencontrer la lune et le soleil dans une catharsis étonnamment poétique. Le poids de la pierre, servant d’oreiller à la jeune fille, se transforme en balle offerte au jeu des amoureux et l’on finit par rencontrer son Prince ou sa Princesse. Les trompeurs, rivaux, philtres et oubli qui déguisent le grand Calomniateur et constituent autant d’obstacles à franchir, n’empêcheront pas les êtres du conte à trouver leur place auprès de l’être élu de leur coeur.

« N’aie pas peur le théâtre est vérité. »

© Alain Fonteray

La Vraie Fiancée, un conte théâtral introduisant une nouvelle figure aux précédentes créations, celle d’un autre voyageur, un autre rêveur, le Comédien « celui qui permet au vrai de se gagner en se mettant en jeu, et à l’être de se retrouver en se répétant ». Des costumes de cirque, des petites chansons, une accordéoniste ponctuant le récit de ses interventions graves et tendres, ici la lumière triomphe de l’obscurité dans un récit dont le happy end place l’espoir au premier rang des personnages d’une fable qui pourtant ne fait pas l’économie de la violence du monde. La peur d’aimer, la Mort qui rôde, l’exploitation d’une petite fille dont le labeur enrichit des adultes peu scrupuleux, balisent la longue route que parcourent les personnages du conte qu’Olivier Py réalise avec une poésie et une intelligence exceptionnelles.

Des panneaux dorés s’ouvrent et se referment sur le théâtre de la cruauté, celui de la vie qui s’échafaude sous nos yeux. Des blocs mobiles, que les comédiens manipulent dans un mouvement rapide et élégant, forment le refuge de la petite fille perdue dans la forêt, ou la prison dans laquelle sont retenus les comédiens. Des portes s’ouvrent, des visages apparaissent et l’espoir accompagne les personnages du conte dans leur voyage initiatique. Habillée d’un manteau noir, le cheveu raide et filasse, portant des lunettes rondes, la petite fille, La Vraie Fiancée (Céline Chéenne) douée d’une sensibilité exacerbée, est malicieuse et s’empare de son rôle avec une vraisemblance étonnante, ne renonçant jamais à son Prince (Antoine Philippot) confondant de justesse et d’engagement. Sur scène, il affirme une présence déconcertante, passant de la trompette au chant avec une aisance toute exceptionnelle, et proposant un jeu dont l’engagement est total. La Marâtre et le Grand Acteur qu’interprètent Samuel Churin sont deux personnages opposés qu’il s’approprie avec la même folie, la même démesure qui caractérisent si bien le théâtre d’Olivier Py. Dans cette belle aventure, un Ange passe (Sylvie Magand) avec son accordéon, rythmant la proposition avec une cruelle tendresse que le Jardinier (Thomas Matalou) cultive avec autant d’esprit, lui qui connaît le langage des fleurs. Toute l’équipe artistique s’engage sur les chemins inattendus d’un conte d’une grande qualité pour le plus grand plaisir des enfants mais aussi des adultes.

La Vraie Fiancée
D’après : Les frères Grimm
Texte et mise en scène : Olivier Py
Avec : Céline Chéenne, Samuel Churin, Florent Gallier, Sylvie Magand, Thomas Matalou, Antoine Philippot, Benjamin Ritter
Décor, costumes et maquillages : Pierre-André Weitz
Musique : Stéphane Leach
Lumière : Olivier Py avec Bertrand Killy

Du 18 mai au 11 juin 2010

Odéon – Théâtre de l’Europe
Ateliers Berthier, 75017 Paris
www.theatre-odeon.fr

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