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La Valse, chorégraphie de Raimund Hoghe, Centre Georges Pompidou

Nov 26, 2016 | Commentaires fermés sur La Valse, chorégraphie de Raimund Hoghe, Centre Georges Pompidou

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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© Rosa Franck

En mémoire de Elan. Elan cet enfant migrant, mort noyé, et dont la photo reste dans les mémoires, emblématique de cette tragédie contemporaine que sont les migrants fuyant la guerre, et dont l’Europe faussement embarrassée à trouver une solution humaniste tergiverse, que les frontières se ferment et que renaissent les nationalismes. Voilà, c’est par cette image foudroyante que commence la nouvelle création de Raimund Hoghe. Raimund Hoghe, pantalon court et chemise rouge, couché au lointain du plateau, dans la position exacte de cet enfant martyr retrouvé sur une plage. Le temps d’une longue valse, celle de Maurice Ravel, jouée en live par Guy Vandromme. Une claque sèche ! Cette image-là ne vous lâchera plus qui vous hantera au long de ces deux heures et plus d’une cérémonie bouleversante. Cette valse est le point de départ d’un cérémonial tragique en mémoire des migrants, des réfugiés de toutes les guerres, de tous les temps. Il y en a bien d’autres des valses, comme toujours choisies avec soin par le chorégraphe, de grandes valses classiques, de simples valses populaires qui grésillent, des rengaines à trois temps. Seulement voilà, la valse a ceci de particulier qu’elle véhicule sur trois notes des tombereaux de sentiments, de violence, de passion, d’amour, d’humanité… et c’est sur cette ambivalence, cette tension que valsent, tourbillonnent les danseurs sur le plateau. D’une couverture de survie faire une robe de soirée, se métamorphoser en star de music-hall, en Joséphine Baker même, et que lentement, comme épuisés, hagards, défilent les danseurs, cohorte de réfugiés. Raimund Hogue ose. C’est toute l’ambiguïté de l’Europe aussi qui est dénoncé. Vienne et Berlin valsait quand tonnaient les canons de 14. Aujourd’hui l’Europe valdingue, envoie tout valser et tombent les bombes sur Alep dans l’indifférence et les querelles nationalistes. C’est toute l’ambivalence des hommes. Raimund Hoghe relie avec justesse la grande Histoire et la petite. La valse comme un symptôme, comme un symbole… Des images il y en a d’autres… Qui pourra l’oublier arrosant le plateau comme on arrose son jardin, vieille dame devenue, avec son petit arrosoir et que se dessine sur le sol une mer démontée avec en son centre posé là comme un jouet d’enfant oublié un tout petit esquif. Et derrière ce bateau fragile et minuscule Raimund Hoghe soudain nageant, nageant sans fin, jusqu’à épuisement et que continue la cohorte des danseurs qui lentement, à pas comptés, couvertures grossières sur les épaules n’en finissent pas de faire le tour de la scène. Des couvertures qui bientôt sur le sol seront leurs îles, leurs ports, leurs linceuls ou leurs tombes. Et que brutalement la valse s’interrompt pour un dialogue désespéré entre une naufragée et un sauveteur… Pourtant il n’y a jamais rien de lourd, de pesant dans cette création. Parfois les danseurs ont des échappées splendides et graciles. Des mains qui brassent l’air, mouvements liquides qui traversent l’espace avec légèreté. Autant de bouffées d’air bienvenues dans cette création en apnée. Parce que la valse c’est ça aussi, trois petites notes de musique, rengaine populaire ou pas, capable de vous mettre dans tous les états, de nous mettre la tête hors de l’eau comme de vous y enfoncer définitivement. C’est cette réversibilité des choses, cette fragilité des lendemains et des évènements qui est aussi exacerbée. Un manteau qui choit après une longue traversée, c’est soudain tout perdre… Raimund Hoghe a le don avec trois fois rien, de créer des images toute simples, faussement naïves, mais qui ne vous lâchent plus. Avec cette façon unique et bien particulière de vous y emmener sans façon, l’air de rien, bonhomme. De séquences en séquences, comme autant de fragments qui doucement prennent leur cohérence, c’est un tableau brossé de l’Europe ou les évènements tragiques du siècle précédent entre en résonnance troublante avec le nôtre. C’est cela la force de Raimund Hoghe, revisiter les classiques pour interroger le présent. Et paraphrasons Pina Bausch, dont il fut le dramaturge : « valsons, valsons (sinon) nous sommes perdus ».

 

La Valse conception, chorégraphie et scénographie Raimund Hoghe
Collaboration artistique Luca Giacomo Schulte
Pianiste Guy Vandromme
Danse Marion Ballester, Ji Hye Chung, Emmanuel Eggermont, Raimund Hoghe, Luca Giacomo Schulte, Takashi Ueno et l’artiste invitée Ornella Balestra
Lumière Raimund Hoghe, Amaury Seval
Son  Silas Bier

Centre Georges Pompidou
Place Georges Pompidou
75001 Paris
Du 23 au 26 novembre 2016 à 20h30
Réservations : 01 44 78 12 33
www.centrepompidou.fr

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