Critiques // « La simplicité trahie » de Marta Cuscuna, au Théâtre de la Cité internationale

« La simplicité trahie » de Marta Cuscuna, au Théâtre de la Cité internationale

Juin 15, 2015 | Commentaires fermés sur « La simplicité trahie » de Marta Cuscuna, au Théâtre de la Cité internationale

ƒ article d’Anna Grahm

simplicite© DR

Seule en scène – ou presque – Marta Cuscuna prend en charge une histoire de femmes qui se voulaient libres. Devant le rideau de velours noir, elle se transforme en une véritable boule d’énergie. Cela se passe en Italie au XVIème siècle à Udine. Pour camper le contexte et la situation des jeunes filles de l’époque, l’actrice adopte d’abord un ton volontairement sarcastique. Dans sa robe de mariée elle harangue la foule, pour faire monter les enchères afin que les jeunes vierges trouvent au plus vite un mari. A grand renfort de publicité, elle s’exhibe comme une marchandise, les mains pleines de la dote promise, une somme qui, pour les pères, reste une véritable perte économique. Même si certains, pour s’épargner cette perte financière, tachent d’élever leur fille en courtisane, d’autres, pour préserver leur honneur, préfèrent les enfermer au couvent.
C’est le destin d’Angela, qui dès l’âge de six ans est placée au couvent. Afin que l’enfant accepte docilement son sort, elle est reçue à grands renforts de bonbons et de cotillons. Et c’est ainsi qu’elle grandit, entourée de poupées déguisées en nonnes jusqu’à l’adolescence, jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse et veuille vivre sa vie. Mais c’est sans compter l’avis de son père qui en a décidé autrement et auquel elle doit expressément obéir.
La belle vitalité de Marta se drape alors d’une longue robe noire, et Angela promptement mariée au Christ contre son gré, devient sœur Docile. Vivant à présent à huit clos entre les murs du monastère, le petit groupe de femmes, – représenté par des marionnettes – s’organise autour des règles qui leur sont imposées : pas de livre, pas de musique, pas de théâtre.
Mais la rébellion couve. Même si chaque recoin des cellules est inspecté, elles cachent une précieuse bibliothèque. Un vent de liberté souffle en secret.
Et le débit de la conteuse ne fléchit pas. Car la prise de voile, n’a pas de prise sur la liberté de ton et le vœu d’obéissance se fragmente en mille et une réflexions. Notamment sur Dieu. Qui a engendré le monde. Qui de l’œuf ou la poule. Qui les a réduites à des marionnettes.
Les Clarisses sont là, comme des corbeaux serrés sur leur perchoir, dans une cage sans lumière. Avec leurs mines de papier mâché et leurs yeux effarés. Et elles s’interrogent,revendiquent, ne cessent de se tourmenter. Est-ce, comme le disent les plus âgées, l’horloge biologique qui les travaillent, ou bien toutes ses règles qui les retranchent du monde ont-elles été simplement inventées par des hommes pour les subordonner ? Les esprits s’affutent sous le crucifix illuminé. Et leurs questionnements murissent tant et si bien qu’ils finissent par traverser les enceintes du couvent.
Mais l’évêque – représenté par un masque grimaçant -, les surveille, les diabolise, et exige contre elles un procès. Et l’affreux, du haut de son autorité, tient à ce que l’inquisition ferme définitivement le bec à cette libre pensée.
Marta Cuscuna livre ici un vibrant hommage à cette société miniature qui n’a pas le choix, joue sur les chapeaux de roue cette inimaginable révolution, querelle, s’amuse, bipe les blasphèmes, s’enflamme, indomptable, infatigable, réaffirmant ici que devoir justifier sa raison d’être est inquiétant.

La simplicité trahie
En italien surtitré
Librement inspiré des œuvres de Arcangela Tarabotti et de l’histoire des Clarisses d’Udine
Mise en scène Marta Cuscuna
Assistanat Marco Rogante
Création lumière Claudio « Poldo » Parrino

Avec Marta Cuscuna

le 12 juin à 19 h et le samedi 13 juin 2015 à 17 h

Théâtre de la Cité internationale
17 Bd, Jourdan – 75014 Paris
réservation 01 43 13 50 50
www.theatredelacite.com

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