© Elizabeth Carecchio
ƒƒ article de Victoria Fourel
L’amour ne suffit pas. Ou alors s’il nous suffit, c’est à nous faire imaginer tout un monde intérieur, à nous mettre à la recherche d’un idéal. C’est à nous faire courir, fuir, mentir, jouer, exister. Joël Pommerat choisit d’appeler ça La Réunification des Deux Corées, œuvre conçue comme un montage de scènes indépendantes.
C’est tout d’abord un texte sensible et moderne, composé de réflexions, de traductions poétiques, de constats sur l’amour et ses dégâts. L’amour n’a rien de réaliste, nous transforme en bête féroce, en pile électrique, en petit animal craintif. Le côté anthologie du spectacle en fait un grand moment qui ne connaît pas l’ennui, tant chaque scène plonge le spectateur dans une histoire nouvelle, surprenante, décalée.
Scéniquement, c’est certes un peu linéaire, enchaînement de scènes avec passage au noir et musique, mais c’est aussi toujours surprenant. Grâce notamment à un gros travail de lumière qui joue avec une pénombre constante, et qui donne un certain mystère, un certain danger, même, à chaque scène. Cela tient aussi au choix du couloir de jeu, aux côtés duquel sont placés les spectateurs, en un dispositif bi-frontal. Forçant ces derniers à « rater » certaines actions et à choisir là où ils placent leurs regards, à être actifs en permanence. C’est aussi l’occasion de jouer avec la distance de jeu, véritable outil au théâtre. Se parle-t-on de la même façon lorsqu’on se crie son amour de très près ou quand on se le chuchote de très loin ? De plus, sur scène, la distance entre comédiens crée aussi l’espace et le vide, qui permettent au spectateur de le remplir et d’y mettre de lui.
Il convient dans un tel spectacle, où les comédiens se transforment et passent de jeunes couples qui se séparent à des mariés au bord de la crise de nerfs, que les personnages soient à la fois très différents les uns des autres, et comme transparents. Comme des manifestations tantôt poétiques, tantôt crûment réalistes de ce qu’est l’amour, de ce que peut être l’union de deux êtres. Ici, cela fonctionne grâce à l’ambiance mystérieuse évoquée plus haut, et grâce aussi au très haut niveau de jeu de l’ensemble de la distribution, qui parvient le tour de force d’être à la fois très homogène et plein de personnalité. Le but est seulement, sur cette route, cette ligne droite qu’est la scène, d’être des émanations poétiques de nos amours modernes, de nos besoins de s’accrocher les uns aux autres.
© Elizabeth Carecchio
La Réunification des Deux Corées, de Joël Pommerat
Mise en scène Joël Pommerat
Assisté de Lucia Trotta et Pierre-Yves Le Borgne
Scénographie et Lumière Eric Soyer
Costumes Isabelle Deffin
Son François Leymarie, Grégoire Leymarie
Régie lumière Jean-Gabriel Valot
Régie Plateau Mathieu Mironnet, Pierre-Yves Le Borgne
Régie Son Grégoire Leymarie
Régie Vidéo Grégoire Chomel
Avec Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Yannick Choirat, Philippe Frécon, Marie Piemontese, Ruth Olaizola, Anne Rotger, David Sighicelli, Maxime Tshibangu
Du 1er janvier au 1er février 2019
Le mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h
Le jeudi à 19h30 et le dimanche à 15h30
Durée 1h50
Théâtre National Populaire
8 place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne Cedex
Réservation au 04 78 03 30 00
comment closed