À l'affiche, Critiques // La posibilidad que desaparece frente el paisaje, conception El Conde de Torrefiel, Centre Georges Pompidou / Festival d’Automne à Paris

La posibilidad que desaparece frente el paisaje, conception El Conde de Torrefiel, Centre Georges Pompidou / Festival d’Automne à Paris

Nov 08, 2016 | Commentaires fermés sur La posibilidad que desaparece frente el paisaje, conception El Conde de Torrefiel, Centre Georges Pompidou / Festival d’Automne à Paris

ƒƒ article de Denis Sanglard

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© Ainara Pardal

Attention c’est du lourd ! Il n’ y avait qu’à observer la concentration du public pour comprendre que quelque chose se passait là qui n’était pas si anodin. En fait une interrogation semblait être partagée : ce à quoi nous assistions était-ce de l’art ou du cochon, de la fumisterie ou tout simplement du second degré subtilement mené, avec soin, soit du grand art ? Optons joyeusement pour la seconde proposition… Voilà quatre gaillards, de drôles de zèbres espagnols, chorégraphes-comédiens-poètes-plasticiens, sur un plateau nu qui nous embarquent tranquillement, au réel, pour un tour d’Europe, une visite commentée de dix villes, de Bruxelles à Lanzarote en passant par Marseille, Varsovie, Kiev… et bien évidemment Madrid où la pièce fut créée. Dix possibilités de paysages, dix possibilités de regarder le nombril du monde et de constater combien tout va de travers. Dix propositions scéniques originales, parfois complètement timbrées mais totalement jubilatoires et (dé)culotées. Un état schizophrénique entre l’agitation sociale et culturelle d’une société et la passivité des individus qui la compose. C’est d’ailleurs ça qui frappe dans cette création loufoque mais menée avec grand calme et un humour à froid, cette impression étrange d’acteurs comme absents à toutes les propositions réalisées aussi étranges et surréalistes soient elles. Une passivité apparente qui atteint sans doute un sommet lors du montage et démontage d’un château gonflable où il ne se passe rien d’autre que çà et, là, cela en devient vraiment flippant. Il y a comme une volonté affirmée de provoquer chez le spectateur une réflexion devant ce vide apparent, cette passivité futée, ces propositions faites et intellectuellement validées, nous y reviendrons, qui ouvrent sur des questionnements bien plus pertinents qu’il n’y parait de prime abord. Chaque paysage évoqué semble cacher autre chose, comme ces dessins, jeux pour enfants qui contiennent dissimulés un personnage ou un animal à trouver… Et pour valider tout ça donc, dans chaque ville est convoqué un intellectuel, artiste ou philosophe – Houellebecq déclarant que « l’art est l’ibuprofène du peuple », Spencer Tunick pour une photo collective au mémorial de la shoah de Berlin, Paul B. Préciado à Florence évoquant et philosophant sa liaison avec Virginie Despente….- Des cautions culturelles comme autant de points de vue possibles sur les paysages traversés… Mais complètement inventées ! De drôles et pertinents pastiches. Nous parlions de fumisterie, la frontière est ténue et c’est justement ce que cette compagnie souligne. Quelle différence par exemple entre une performance « artistico-pornographique » à Florence de quatre émigrés au chômage reconvertis dans l’art et des G.O, chorégraphes d’un soir, dans un club de vacances à Lanzarotte ? Pas grand-chose à vrai dire, c’est le même prolétariat, la même exploitation. Tout cela ne tient qu’à un discours. La force de cette création tient aussi à ça, mettre côte à côte, juxtaposer et mettre en regard un discours des plus pessimistes et des activités d’une triste banalité. Et c’est toute la violence du monde qui vous tombe sur la tête. Derrière la carte postale il existe une autre réalité bien plus sordide. Combien aussi une expérience collective, revenons à la photo de Tunick, n’est jamais que la somme d’individus qui ne vivent jamais l’expérience de la même façon. Entre celui qui s’offusque de voir poser des individus nus dans un lieu mémoriel loin d’être anodin, et celui qui pose, ravi de participer à un évènement artistique. C’est ce tiraillement là, ces oppositions là que El Conde De Torrefiel souligne en grattant là où ça fait mal. Toutes ses questions et bien d’autres traversent de manière souterraine cette création bien plus intelligente qu’elle n’y parait sous la provocante nonchalance affichée. Le constat est amer qui voit au final la disparition de l’individu programmé, disparaître, englouti en somme par le paysage qui fut son cadre de vie. Que de vieux touristes suisses allemands traversant les Canaries soient représentés par des plantes vertes soit. Mais quand ces dernières se substituent aux acteurs, là on se dit qu’on est mal. Puissante est la métaphore. Et c’est pourtant ce qui advient, ne reste sur le plateau que 4 plantes en pot pour le dernier voyage…. C’est ainsi que s’éclaire le titre de la pièce « La posibilidad que desaparece frente al paisaje » (la possibilité qui disparait face au paysage). Tout est fragile qui disparait tôt ou tard, les idées comme les hommes…

 

La posibilidad que desaparece frente el paisaje, idée et création El Conde de Torrefiel, en collaboration avec les performers
Mise en scène et dramaturgie : Tanya Beyeler et Pablo Gisbert
Texte : Pablo Gisbert
Avec Tirso Orive Liarte, Nicolás Carbajal Cerchi, David Mallols, Albert Pérez Hidalgo
Conseil dramaturgique : Roberto Fratini
Conception lumières Octavio Más
Scénographie Jorge Salcedo
Conception sonore Adolfo García
Musique Rebecca Praga
Chorégraphie Amaranta Velarde
Images Ainara Pardal

du 3 au 5 novembre à 20h30
réservations 01 44 78 12 33

Centre Georges Pompidou
place Georges Pompidou
75004 Paris
contact@centrepompidou.fr

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