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La plus précieuse des marchandises, de Jean-Claude Grumberg, adaptation et mise en scène de Charles Tordjman, Théâtre du Rond-Point

Sep 26, 2021 | Commentaires fermés sur La plus précieuse des marchandises, de Jean-Claude Grumberg, adaptation et mise en scène de Charles Tordjman, Théâtre du Rond-Point

 

©  Antoine de Saint Phalle

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

Une bûcheronne s’ennuie, beaucoup de choses à faire, certes, mais rien de très distrayant. Elle vit avec son mari, lui aussi bûcheron, mais qui s’amusent bien plus, le soir, avec ses amis… bûcherons. Elle est également triste de ne pas avoir eu d’enfant. Et les façons de se divertir n’existent quasiment pas, sauf peut-être celle d’attendre l’heure magique où passe un grand train de marchandises d’où s’envolent souvent des petits papiers, avec des choses griffonnées dessus. Alors qu’il pleuve, neige ou vente, elle courre les récupérer ces petits papiers et elle les plie bien comme il faut. Peu importe ce qu’il peut y avoir d’écrit dessus, elle ne sait pas lire.

Mais tout change le jour où, de ce train curieux, est lancé, dans un joli tissu blanc et bleu… un tout petit bébé ! Cette bûcheronne va alors tout faire pour sauver cette petite chose étrange et pour convaincre son mari de se laisser séduire par cette minuscule créature : il dit en bougonnant qu’elle est issue des « sans-cœurs », ceux que justement on fait partir très loin par ces trains, pour s’en débarrasser. Puis le charme et l’émerveillement opère, ils décident d’élever cette petite fille, avec l’aide d’un homme bourru et surprenant, vivant dans l’ombre de la forêt. Même si les problèmes risquent eux aussi de montrer le bout de leurs nez… Ce « conte » − en est-ce un ? grande question de cette soirée, posée dans tous les sens – est régulièrement interrompu par une vidéo gigantesque, sur l’écran où jusque-là était la forêt, et sur cette vidéo une femme raconte l’histoire du papa de la petite fille. Il était enfermé dans le train, avec sa femme, et ils venaient d’avoir des jumeaux, un petit garçon et une petite fille. Et il a poussé un de ses deux enfants hors de ce train. Cette femme raconte, sobrement et clairement, que ces gens étaient dirigés vers des camps. Chaque fois qu’elle apparaît, elle poursuit et précise l’histoire du père.

La plus précieuse des marchandises est curieusement facile à regarder avec un tel sujet. Le rire peut parfois apparaître, discret mais tout de même. La bûcheronne et le bûcheron ne paraissent pas noyés dans une époque fixe. Ils évoluent sur une immense surface métallique, ils s’y promènent, s’y battent, jouent de la musique ou chantent. Pourtant, ils sont en 1942 et savent ce que sont les « sans-cœurs ». On se laisse entraîner par leurs échanges, et changement de décor, cette narratrice sort de l’ombre et raconte. Deux temps, deux rythmes. Dans ce texte, Jean-Claude Grumberg « évoque » un sujet noir en mêlant le vrai et le faux. Charles Tordjman a su prendre tous ces éléments, les disposer et les éclairer, les faire se suivre et se superposer en suivant sans doute la magie époustouflante de ce texte. On sait de quoi on parle, et la vérité peut être double. Le décor et son évolution surprennent et suivent le même rythme. Sur scène la poésie se trimbale et nous aide à penser, à écouter. Les vidéos apportent une violence silencieuse, les paysages sont comme « étirés », apparaissant, disparaissant. On ne sait plus trop non plus où nous sommes. Et dans une sobriété absolue, l’horreur est dite et nous l’entendons. Le vrai est incontournable, tout comme l’envie d’aller lire ce livre de Grumberg.

 

© Antoine de Saint Phalle

 

La plus précieuse des marchandises, adaptation et mise en scène de Charles Tordjman

Texte : Jean-Claude Grumberg
Collaboration artistique : Pauline Masson
Scénographie : Vincent Tordjman
Création et réalisation vidéo : Quentin Evrard, Thomas Lanza, Nicolas Mazet, Vincent Tordjman
Création lumières : Christian Pinaud
Création sonore : Vicnet
Création costumes : Cidalia da Costa
Régisseur général (son et vidéo) : Paolo Cafiero
Régisseur lumière : Félix Doullay

Avec : Eugénie Anselin, Philippe Fretun
Et la participation de : Julie Pilod

 

Du 22 septembre au 17 octobre 2021 

Salle Jean Tardieu 

Du mardi au samedi, 18 h 30

Dimanche 17 octobre 15 h 30

Relâche les lundis et le 5 octobre

Durée : 1 h 05 

 

Théâtre du Rond-Point

2bis avenue Franklin D. Roosevelt

75008 Paris

 

Réservations 01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

 

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