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La Petite dans la forêt profonde, texte de Philippe Minyana, mise en scène de Pantelis Dentakis, Théâtre de la Ville / Chantier d’Europe 22

Mai 25, 2022 | Commentaires fermés sur La Petite dans la forêt profonde, texte de Philippe Minyana, mise en scène de Pantelis Dentakis, Théâtre de la Ville / Chantier d’Europe 22

 

© Domniki Mitropoulou

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

C’est un conte noir et cruel. Une histoire de viol, de mutilation, de cannibalisme. Et de rédemption, aussi. L’histoire d’un roi aux instincts monstrueux violant sa très jeune belle-sœur et la vengeance atroce qui s’ensuivit. C’est un vieux conte d’Ovide, Procné et Philomèle, tiré des Métamorphoses, adapté librement pour le théâtre avec tout le talent d’auteur de Philippe Minyana et mis en scène de façon singulière par Pantelis Dentakis. Les personnages sont des figurines de cire, sculptures de Kleio Gizeli, pas plus haute que ça, manipulées à vue, délicatement, par les acteurs Polydoros Vogiatzis et Katerina Louvari-Fasoi qui prêtent aussi leur voix, comédiens et conteurs tout à la fois. Posées sur un petit plateau, ces figurines sont agrandies par la vidéo. Et c’est un jeu d’échelle subtile qui est mis en place. Plus grandes ainsi que les acteurs, plus proches aussi de fait des spectateurs, ces sculptures immobiles étrangement prennent vie, suscitent le malaise par leurs visages impassibles et la fixité de leurs regards filmés parfois en gros-plan. Dans lesquels notre imaginaire vite affolé projette alors toute l’horreur de ce qui est énoncé et pourtant jamais montré ou à peine suggéré. C’est toute la force de cette création poétique d’interpeller le spectateur, sans provocation jamais, mais de faire sourdre de lui ses propres angoisses, sa propre cruauté, sa part d’enfance maudite. Rien de réaliste pourtant, le si magique du théâtre est dûment dénoncé, les acteurs content plus qu’ils ne jouent et c’est sans doute cela justement qui participe à la sombre magie de cette création, ce retour à un état d’enfance et de sauvagerie innocente, celui capable de nous faire construire tout un univers monstrueux avec trois fois rien, de jouer à se faire peur pour dernier apprentissage avant de devenir adulte. Pantelis Dentakis réveille ça, cette capacité hors-norme à vouloir frissonner, s’effrayer, à simplement débrider notre imaginaire le plus sombre, faire acte ici de création, d’y prendre notre part en somme. La beauté du texte de Philippe Minyana, dans sa rudesse même qui jamais n’édulcore l’insoutenable, participe évidemment de cet instant singulier, cet univers où quelques figurines de cire semblent d’elles-mêmes décider de la pente du récit, échapper à ceux qui les manipulent, qu’étrangement elles effacent lentement au fil de la fable. Il n’y avait que deux jours pour vivre ce merveilleux cauchemar, dommage, nous ne pouvons qu’espérer qu’il revienne nous hanter très vite.

 

© Domniki Mitropoulou

 

La Petite dans la forêt profonde de Philippe Minyana

Libre adaptation des Métamorphoses d’Ovide (livre VI, 411-680 Procné et Philomèle)

Mise en scène Pantelis Dentakis

Traduction : Dimitra Kondylaki

Sculptures : Kleio Gizeli

Vidéo et lumières : Apostolis Koutsianikoulis

Scénographie : Nikos Dentakis

Costumes : Kiki Grammatikopoulou

Musiques : Stavros Gasparatos

En collaboration avec Yorgos Mizithras

Photographie : Domniki Mitropoulou

Surtitres : Supertitle.Gr

Technique : Panagiotis Fourtounis

Communication : Giorgia Zoumpa

 

Avec Polydoros Vogiatzis et Katerina Louvari-Fasoi

 

Théâtre de la Ville – Espace Cardin

1 avenue Gabriel

75008 Paris

Réservations 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

 

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