Critiques // « La nuit des assassins » de José Triana au Théâtre de l’Opprimé

« La nuit des assassins » de José Triana au Théâtre de l’Opprimé

Avr 18, 2011 | Aucun commentaire sur « La nuit des assassins » de José Triana au Théâtre de l’Opprimé

Critique de Bruno Deslot

Lorsque tout est permis !

Enfermés dans le grenier de la maison familiale, trois enfants jouent le meurtre de leurs parents. Entre subversion et transgression, jusqu’où peut aller cette quête de liberté et d’émancipation du cadre donné dans lequel ils ont été contenus ?

La porte du grenier se ferme sur un espace clos, le grenier, lieu de tous les possibles pour les enfants se croyant à l’abri du reste du monde. Pas de regards inquisiteurs, seul leur imagination peut être intrusive, manipulatrice et perverse. Beba, Lalo et Cuca, frères et sœurs se livrent à un jeu de massacre tout particulièrement jouissif et totalement fantasmé. Agenouillé à cour, les bras tendus sur le sol, Lalo lève ses mains vers le ciel, comme pour implorer les Dieux et hurlent « Assassins, Assassins ». Le ton est donné, le premier acte débute et avec lui toutes les pulsions dévastatrices que portent en eux ces jeunes enfants, pourtant interprétés par des adultes. Les pistes sont brouillées en permanence, les comédiens nagent en eaux troubles et investissent le rôle du père ou de la mère en fonction du scénario qu’ils ont composé. La répétition, la ritualisation de la parole s’installe chez les enfants qui interprètent les personnages fonctionnant en circuit fermé lorsqu’il s’agit d’envisager une issue pour l’intrigue.

La place de la censure est très importante dans cette proposition et l’on retrouve bien là tout l’esprit de l’auteur, José Triana, qui a connu la révolution cubaine ainsi que toute sa complexité. Riche de sensibilité, cruelle de vérité, violente dans sa force d’évocation, « La nuit des assassins » met en perspective la dimension répressive dans laquelle évolue les personnages avec cette présence, comme absolument nécessaire, de la justice pour réguler la narration de cette folle aventure que mènent les gamins reclus dans leur lieu, loin des velléités absurdes de la vie.

Une scénographie métonymique, réalisée par Victor Quezeda-Perez, pour accompagner une parole libre en apparence mais muselée par le cercle infernal de la répétition. L’espace triangulaire dessiné par trois côtés de longueur à peu près égale, permet à chaque comédien d’exploiter un espace large afin d’investir l’aire de jeu selon son propre scénario. Des mouvements amples, des déplacements rythmés, répondent à une mise en scène millimétrée qui plonge le spectateur dans l’incertitude, la cruauté du propos mais aussi la fragilité des rapports entre les personnages. L’enfant est cruel et s’affranchit de tous les interdits qu’une société policée lui imposent. Les couteaux sortent du dessous d’un amas de tête de mannequin, pendant que les gestes suggèrent le meurtre, celui de la libération ou de l’enfermement. Il libère la parole mais n’offre aucune réponse. Habillés d’un pyjama bleu avec des rayures blanches au niveau des poignets ou par endroit sur le vêtement, tantôt enfant joueur et innocent, tantôt bourreau et détenu, là encore l’ensemble file la métaphore.

Les comédiens tiennent d’un bout à l’autre la proposition avec un talent confondant et l’on sent une direction d’acteurs qui n’a pas fait l’économie du temps nécessaire de la dramaturgie.

La nuit des assassins
De : José Triana
Mise en scène : Victor Quezada-Perez
Assistant à la mise en scène : Blaise Poujade Perrot
Création lumière : Cristobal Castillo
Collaboratrice artistique : Charlotte Pradeilles
Avec : Amandine Barbotte, Matila Malliarakis, Tatiana Spivakova

Du 13 au 24 avril 2011

Théâtre de l’Opprimé
78-80 rue du Charolais, 75012 Paris
www.theatredelopprime.com

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