À l'affiche, Critiques // La Nostalgie des blattes, texte et mise en scène de Pierre Notte, Théâtre du Rond-Point

La Nostalgie des blattes, texte et mise en scène de Pierre Notte, Théâtre du Rond-Point

Sep 22, 2017 | Commentaires fermés sur La Nostalgie des blattes, texte et mise en scène de Pierre Notte, Théâtre du Rond-Point

© Giovanni Cittadini Cesi

ƒƒ article de Denis Sanglard

 

Jurassique Parc. Deux vieilles vissées sur leurs chaises attendent. Pas une visite de courtoisie, non. Des visiteurs qui viendront là comme on visite un monument, une ruine, une espèce bientôt disparue. Constater que, oui, la vieillesse est un naufrage. En l’attente de cette venue qui tarde, qui probablement n’adviendra plus, dans ce monde devenu aseptisé où pas un moucheron, pas une blatte dont on garde la nostalgie n’a résisté, où le gluten n’est plus qu’un fort lointain souvenir, les cigarettes prohibées, l’odeur même des champignons susceptible d’alerter la brigade sanitaire, ces deux-là donc s’engueulent sec. Se battent, s’insultent le verbe haut comme des chiffonnières, se traitent de vieilles peaux, ce qu’elles sont et revendiquent crânement dans cet univers javellisé où rodent des drones s’abattant autour de vous sans crier gare. Chacune cherche sa place, se défie, se rabiboche dans cet espace ouvert se résumant à cette chaise louée en viager qu’elles ne quitteront pas. Avant de s’apprivoiser et trouver ensemble la sortie, se lever et foutre le camp. Ces deux-là sont Tania Torrens et Catherine Hiegel. Et elles s’en donnent à cœur joie à défendre ce texte de Pierre Notte écrit sur mesure pour ces deux monstres sacrés, auquel elles ont collaborés. Qui dézinguent leur image avec maestria et jubilation. Ou au contraire en joue comme un pied de nez. L’élégance et la classe de Tania Torrens qui dans le doute, pète. Qui affirme qu’elle fut comédienne ayant joué Tchékhov. Evidemment. Ou Catherine Hiegel surjouant de sa réputation d’atrabilaire. Quand l’une réussit à jouer son Parkinson pour épater sa voisine, l’autre échoue à composer un Alzheimer. Complices elles le sont merveilleusement dans ce duel fratricide comme elles le sont dans la vie, elles qui débutèrent ensemble ou presque au Théâtre Français avant d’en devenir sociétaires. C’est de ça sans doute dont elles tentent de se débarrasser ici, de leur emplois qui vous collent, quand il y en avait encore. Ou de le tordre, d’en finir, quand la gueule ne suit plus et qu’on accepte la vieillesse sans collagène. On sait le drame des actrices vieillissantes. Demandez aujourd’hui aux comédiennes de cinquante ans… Ici la réponse est cinglante, voire définitive. Ce n’est, malgré  tout, pas le meilleur texte de Pierre Notte. La folie quotidienne et douce qui fait le sel de ces textes, son surréalisme poétique voire merveilleux, lui le fils spirituel de Marcel Aymé, manque ici. Malgré le rire qui secoue sporadiquement la salle, quelque chose bientôt boite et tourne en rond. Il y a bien des fulgurances, des répliques percutantes et vachardes (mention spéciale : « il est raté votre Alzheimer ! ») proféré avec une évidente gourmandise mais cela reste somme toute un exercice d’admiration. Pierre Notte sans doute n’a pas dû vouloir oser déborder les comédiennes, lâcher la bride. C’est contre elles, leur histoire et leur talent qu’il semble butter et ne s’affranchit pas. Reste une « fin de partie » plus récréative qu’existentielle et tragique et deux formidables comédiennes, deux vieilles à visiter.

 

La Nostalgie des blattes texte et mise en scène de Pierre Notte

Avec Catherine Hiegel et Tania Torrens

Lumières Antonio De Carvalho
Son David Geffard
Assistanat Alexandre Thys

Du 5 septembre au 8 octobre à 21h, dimanche 15h30
Relâche les lundis, les 10 et 12 septembre

Théâtre du Rond-Point
Salle Jean Tardieu
2bis avenue Franklin D. Roosevelt
78008 Paris

Reservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

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