Critiques // « La Mouette » de Anton Tchekhov, mise en scène Frédéric Bélier-Garcia aux Amandiers

« La Mouette » de Anton Tchekhov, mise en scène Frédéric Bélier-Garcia aux Amandiers

Sep 29, 2014 | Commentaires fermés sur « La Mouette » de Anton Tchekhov, mise en scène Frédéric Bélier-Garcia aux Amandiers

ƒ article de Dominika Waszkiewicz

la-mouette-7-copie© Stéphane Tasse

Nouvelle saison, nouveau départ, nouvelle direction. Lumière crue dans le hall, tout est blanc. C’est à la fois autre et familier comme dans une nouvelle allemande. Au fond, une grosse boîte en verre reliée à une myriade de casques audio. Volonté affichée par Philippe Quesne de stimuler « les problématiques de la programmation » par la féconde union entre « les arts vivants et les arts visuels ».

Et, pour un démarrage tout en douceur, les Amandiers accueillent la Mouette, spectacle créé par Frédéric Bélier-Garcia en 2012.

« L’encre noire de la mélancolie[1]… »

Dans l’obscurité rassurante de la grande salle, les mots souples de la traduction de Vitez s’élèvent entre de pâles îlots de lumière. Rappel de la présence du lac, les comédiens semblent glisser sur des eaux noires et troubles. Sophie Perez et Xavier Boussiron proposent une scénographie mouvante opposant le dehors et le dedans, la nouvelle génération et l’ancienne, l’innovation et la tradition. Le jardin, c’est Treplev et ses ambitions de révolutionner l’art. La maison, c’est Irina Nikolaëvna Arkadina et son refus de penser l’avenir. Et, imperceptiblement, le beau décor réaliste envahit le plateau en un piège fatal et claustrophobique : inéluctable échec des enfants face aux parents, impossibilité de saisir le rêve pourtant si proche, désillusion du présent, fuyante chimère.

Pourtant, en ce prometteur et subtil écrin, les comédiens, malgré l’évidence de leur talent, ne paraissent pas suivre le mouvement tragique annoncé. Le jeu reste finalement assez monolithique et on regrette un certain manque d’évolution. L’énergie est bien là (trop là ? comme lorsque Macha – Agnès Pontier – quitte toute retenue pour éructer son désespoir ?). Les corps existent bien et l’on a parfois même du plaisir à les voir et à les entendre. La grâce d’Arkadina (Nicole Garcia) nous charme, la maladresse de l’instituteur Medvedenko (irrésistible Éric Berger) nous amuse, l’éclatante beauté de Nina (la blonde et bien-nommée Ophélia Kolb) nous saisit. Mais ce ne sont que des moments, de jolies pépites qui ne parviennent guère à nous mener vers une dimension plus universelle. Finalement, on s’intéresse assez peu au sort des personnages et une délicate monotonie s’installe. Comme si ce n’était pas encore la première, comme si le spectacle avait encore besoin de mûrir un peu, diamant dont la taille incomplète ne laisse hélas pas apparaître toute la beauté de la dispersion.

Ou bien volonté de nous faire toucher, à nous aussi, un peu de cette acédie douce-amère qui englue les protagonistes ?

La Mouette
Texte Anton Tchekhov (traduction Antoine Vitez)
Mise en scène Frédéric Bélier-Garcia
Scénographie Sophie Perez et Xavier Boussiron
Lumière Roberto Venturi
Son André Serré
Costumes Catherine Leterrier et Sarah Leterrier
Créateur coiffures Frédéric Souuquet
Collaboratrice artistique Valérie Nègre
Avec Éric Berger, Magne-Håvard Brekke, Nicole Garcia, Jan Hammenecker, Michel Hermon, Ophélia Kolb, Manuel Le Lièvre, Agnès Pontier, Stéphane Roger, Brigitte Roüan

Durée : 2h30

Du vendredi 26 septembre au dimanche 12 octobre 2014
Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 15h30, les jeudis à 19h30, relâche le lundi

Théâtre Nanterre-Amandiers
7, avenue Pablo-Picasso – 92022 Nanterre
réservations 01 46 14 70 00

www.nanterre-amandiers.com
[1]Starobinski

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