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La mélopée du petit barbare de Julien Mages au centre culturel Suisse

Fév 09, 2017 | Commentaires fermés sur La mélopée du petit barbare de Julien Mages au centre culturel Suisse

ƒ article d’Anna Grahm

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© DR

La scène plongée dans l’obscurité force le spectateur à tendre l’oreille. Et bien qu’il s’attache à deviner les contours des silhouettes qui traversent le plateau, la pénombre et la voix monocorde d’un homme le berce doucement.

Rien ici ne semble tout à fait assuré sinon la lente litanie du rejet. Rien ne se distingue hormis la perspective de l’endormissement et les deux personnages, à peine tracés et installés loin l’un de l’autre, imprécis et mouvants comme dans un rêve. Et l’archer invisible qui frotte les cordes d’un violoncelle ajoute à l’étrangeté de la situation. Pousse à oublier toute notion du temps.

Et c’est sur ce plateau obscur que la lumière vient soudain révéler au spectateur à demi somnolent, un jeune garçon au blouson noir et une femme en tenue blanche.

Longtemps, elle se tiendra en bordure du cercle lumineux, longtemps elle restera à l’écouter refuser les codes du monde, immobile, elle fera corps avec l’ombre. Tandis que lui, séparé des autres, s’adressera aux oiseaux et cherchera dans le musée de ses souvenirs ce qu’il était et ce qu’il craint de devenir.

Il y a dans ce drôle d’oiseau bien des contradictions, tout en même temps un désir de pureté, une inquiétude lascive et une peur viscérale de l’inconnu, difficultés qui l’empêchent de prendre son envol. Craintes enfantines devant ce futur inévitable qui s’ouvre sous ses pieds et révoltes paresseuses sur l’épaule complaisante qui l’a toujours choyée, sur laquelle il s’est toujours réfugié pour trouver du réconfort.

Dans la conquête de lui-même, il retrouvera l’enfant sage subjugué par l’amour absolu et se coltinera la colère de l’homme frustré de ne plus le posséder. Inconcevable amour consommé dans ce monde imaginaire qui se heurte désormais au monde réel dans lequel il se sent enfermé.

Le jeu des acteurs, fait d’incertitudes et de proximité est déconcertant et souvent bouleversant. Mais, car il y a tout de même un regret, mais le choix d’une comédienne plus âgée pour interpréter le rôle de la mère aurait rendu plus lisibles les rapports entre les comédiens.

Si le manque, l’attente et l’absence se muent en désirs, la langue de l’auteur Julien Mages console la solitude mortifère de l’homme. A la fois poétique et familière, elle creuse un espace d’éveil, construit un temps pour la réflexion, la rêverie, s’inscrit comme le lieu de tous les possibles et initie à la transformation de l’être.

La mélopée du petit barbare
Texte de Julien Mages
Lumière et scéno­gra­phie :
Chloé Decaux, Adrien Gardel, Keyne Motte
Avec Raphaël Defour et Marika Dreistadt

Du 7 au 10 février 2017

Centre culture Suisse
36/38 rue des Francs Bourgeois paris 4
réservations : 01 42 71 44 50
reservation@ccsparis.com

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