À l'affiche, Critiques // « La Maison de Bernarda Alba » de Federico Garcia Lorca, mise en scène de Hervé Petit

« La Maison de Bernarda Alba » de Federico Garcia Lorca, mise en scène de Hervé Petit

Mai 09, 2015 | Commentaires fermés sur « La Maison de Bernarda Alba » de Federico Garcia Lorca, mise en scène de Hervé Petit

ƒ article de Victoria Fourel

« Fuir cette maison en guerre »

url© DR

         Au départ, il y a un froid glacial dans la chaleur torride. Bernarda Alba vient de perdre son mari, et raidie par les traditions et la peur du dehors, elle séquestre ses cinq filles, et leur impose huit ans de deuil. Les personnalités, les désirs et les frustrations s’entrechoquent alors dans l’enfermement, et ces portraits de femmes, véritables ‘rôles en or’, font le portrait de leur époque.

         L’austérité très terrienne est là, dans la mise en scène d’Hervé Petit, la lourdeur de la maison et la peur du monde extérieur. La sobriété est de rigueur, comme pour appuyer le texte de Lorca, mais n’empêche pas l’imaginaire, et notamment de très belles compositions d’images, presque cinématographiques. Lorsque les silhouettes des comédiennes, fantomatiques parfois, se figent, on croirait voir un tableau, ou mieux encore, des statues de cire. La force de cette pièce réside dans cette contradiction : ces femmes invisibles et immobiles face à l’agitation et le désir. Ainsi, au travers de belles statures de femmes, on parle d’une époque, des carcans imposés, de l’importance de rester entre soi. On parle du rôle des femmes, de la sexualité, de la drague, de l’héritage, de la liberté. Mais sans voir le vrai monde, sans interagir avec le reste du monde.

         Malgré une mise en scène technique et portée par des visages aux multiples facettes, on peine à voir plusieurs énergies dans le spectacle. Le côté pesant, labyrinthique de l’enfermement, les quatre murs et les robes noires, la canne qui soutient la mère, tout est synonyme de drame et de lassitude, ce qui donne un côté un peu linéaire au spectacle. Même si le propos est fort, on sent que l’humour fait du bien quand il est là, et qu’on apprécie qu’il s’invite au fur et à mesure de la pièce. De la même façon, on aimerait parfois que les répliques se coupent, que les mots se bousculent, lorsque les sœurs parlent d’amour et d’étoiles, de leur mère et des hommes. Le texte et les corps sont forts, mais il manque parfois du relief, de la folie, de la naïveté. Dans la pratique, on le remarque aux temps qui pourraient être raccourcis, qui donnent lieu à des moments peu concrets.

         Cette sobriété, qui empêche donc parfois la jeunesse et l’impétuosité offre néanmoins un portrait harmonieux, où chaque comédienne prend sa place et où la tension reste très constante. Même si on aurait aimé plus d’invention, de juvénile et de fièvre, on reste suspendu à ce deuil sans fin, à ce huis clos passionnant.

 
La Maison de Bernarda Alba
Texte Federico Garcia Lorca
Mise en scène Hervé Petit
Lumière Kevin Delmer
Décor et Costumes Carole Mexme
Avec Samira Baibi, Marguerite Karcz, Béatrice Laout, Sabrina Manac’h, Emmanuelle Nocq-Saada, Catherine Perrotte, Anna Sigalevitvh, Sophie Tonneau.

Du 7 au 24 mai 2015
Du jeudi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h.

L’Épée de Bois – La cartoucherie
Route du Champ des Manœuvres – 75012 Paris
Métro Château de Vincennes (ligne 1) puis navette pour accéder au théâtre.
www.epeedebois.com

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