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La ligne solaire, d’Ivan Viripaev, mise en scène de Clément Poirée, au 11 – Avignon, Festival Off Avignon

Juin 07, 2024 | Commentaires fermés sur La ligne solaire, d’Ivan Viripaev, mise en scène de Clément Poirée, au 11 – Avignon, Festival Off Avignon

 

© Fanchon Bilbille

 

ƒƒƒ article de Sylvie Boursier

« Nique ta mère, Werner ! »

« Va te faire niquer, Barbara ! »

Dans leur maison, à cinq heures du matin Barbara et Werner tentent depuis dix heures du soir, « d’aboutir à un résultat positif ! » Après 7 ans de mariage, ils ne peuvent ni s’entendre, ni se quitter. Alors, malgré les cris, les baffes, les larmes, les combines minables, l’hystérie éreintante, ils continuent à gratter ce qui leur reste d’amour, et plongent dans la fange d’une grande purge qui n’a rien d’une psychothérapie new age. Ils savent leur affrontement inutile mais déploient une énergie folle et au fond du trou surgissent des fulgurances, la magie des condamnés sur le Golgotha de l’amour vache. Chaque mot est régurgité, essoré, craché, vomi, la rupture est constante, l’humour noir, le langage retourné comme une peau de lapin exsangue. « Le monde est une perle dans un morceau de merde, Lora » dit un personnage des Enivrés, autre pièce de Viripaev. « Tu dois fourrer ton bras jusqu’au coude dans cette merde puante, pour attraper la perle qui est dedans. Fourre ta main dans la merde et attrape la perle, Lora. » Viripaev mélange trivialité et spiritualité, la joie arrive au milieu des crachats et c’est bouleversant.

La ligne solaire a la structure d’une partition musicale avec des accélérations, des répétitions, des variations à l’infini du même thème, des refrains ponctués de silence entre chaque composition, un vrai défi pour deux comédiens magnifiques, qui se jettent corps et âmes dans cette rythmique organique ultra précise. Clément Poiré, le metteur en scène, va à l’essentiel, chaque empoignade, réglée au millimètre sur un ballet de postures absurdes, est ponctuée de séquences tendres et sensuelles. Tout est visuel dans ce corps à corps désespéré. Aurelia Arto et Bruno Blairet restituent sa dignité à ce pauvre amour risible qui rappelle la formule de Beckett « échouer encore, échouer mieux ». L’auteur dynamite les formules creuses des slogans publicitaires qui nous promettent harmonie et solutions efficaces à nos conflits.

Et puis, comme des nageurs qu’on attend plus, une sorte de parenthèse enchantée se profile, simple rêve ou rédemption ? Ces deux êtres dépenaillés, beaux et couverts de boue, ont la grandeur, la radicalité des héros de Dostoïevski, par la grâce des deux acteurs. Nous plongeons avec eux, en apnée. Ne les ratez pas à Avignon !

 

© Fanchon Bilbille

 

 

La ligne solaire d’Ivan Viripaev

Mise en scène : Clément Poirée

Scénographie : Erwan Creff

Lumière : Léa Maris

Costumes : Hanna Sjödin

Avec : Aurélia Arto et Bruno Blairet

 

Durée : 1h20

 

Du 2 au 21 juillet à 11h40, relâches les 8 et 15 juillet

Théâtre 11

11 bld Raspail

84 000 Avignon

 

Vu au Théâtre des Plateaux Sauvages à Paris

Tournée 2025-2026 en cours d’organisation

 

 

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