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La Khovantchina, de Modeste Moussorgski, mis en scène par Andrei Serban, Opéra Bastille

Fév 02, 2022 | Commentaires fermés sur La Khovantchina, de Modeste Moussorgski, mis en scène par Andrei Serban, Opéra Bastille

 

© Guergana Damianova / OnP

 

ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Il ne suffit pas d’un magnifique décor et d’une distribution vocale de bon niveau, y compris lors du soir de la première avec un remplacement de dernière minute parmi les solistes et une réduction dans les effectifs du Chœur, pour passer une soirée inoubliable à l’opéra. La soirée ne fut donc pas inoubliable, mais fort agréable pour des raisons diverses.

Tout d’abord, il faut préciser à ceux qui n’auraient jamais écouté ou assisté à une représentation du dernier opéra inachevé de Modeste Moussorgski, et remanié par Rimski-Korsakov et Chostakovitch, que le livret est passionnant à la lecture, mais difficile à suivre lors d’une représentation et que la partition ne contient aucun air qui soit vraiment resté à la postérité, à la différence de Boris Godounov. La Khovantchina c’est le nom donné par le Tsar aux émeutes provoquées par le prince Khovanski. L’action se déroule durant le règne de Pierre le Grand et se concentre sur les affrontements entre Vieux-Croyants et nouveaux orthodoxes, sur lesquels Moussorgski avait passé beaucoup de temps à se documenter avec un souci du détail et de l’exactitude qu’il n’eut pas pour Boris Godounov, et qui est sans doute la raison d’un récit plus factuel que dramaturgique.

La mise en scène et les décors léchés de Richard Hudson ne sont pas nouveaux. Andrei Serban avait en effet créé cet opéra à Bastille en 2001 qui avait été à nouveau donné en 2013. Ils sont repris à l’identique pour cette programmation de 2022.

Du côté vocal, on ne peut qu’être admiratif du résultat d’ensemble en raison des circonstances, même si l’on ressent les absences dans les effectifs qui nuisent évidemment à l’effet de puissance des chœurs d’autant plus qu’ils sont masqués. La Maîtrise des Hauts-de-Seine et le chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris excelle, celui des femmes s’en sort très bien, et celui des hommes présente malheureusement, en dépit de quelques magnifiques passages, des irrégularités, avec beaucoup de décalages rythmiques, aussi bien à l’intérieur même du chœur qu’avec l’orchestre.

Parmi les solistes, on distinguera clairement Anita Rachvelishvili dans le rôle essentiel de Marfa qui impose sa tessiture de mezzo-soprane où qu’elle se trouve sur scène et dont la présence scénique est incontestable. Dosifei, le chef des vieux croyants est également magistralement incarné par Dmitry Belosseslkiy, imposant son autorité vocale et corporelle, tout comme le Prince Ivan Khovanski chanté par la basse Dimitry Ivashchenko, et Gerhard Siegel, le clerc, qui est le seul par ailleurs avec Kouzka à jouer sur un registre un peu comique, même si l’on a eu du mal à faire la part entre son jeu et la crainte qu’il fut vraiment souffrant, à force de le voir utiliser son mouchoir. L’on s’avoue un peu déçue par Sergei Skorokhodov (en Andrei Khovanski) et Evgeny Nikitin (dans son incarnation du boyard Chakloviti) que l’on avait pourtant tant aimé dans le rôle de Varlaam du Boris Godounov donné dans le même Opéra Bastille en 2018 dans la mise en scène d’Ivo von Hove. Anush Hovhannisyan qui a pris le rôle d’Emma en dernière minute, gagnerait à nuancer son jeu de jeune fille assiégée, ce qui permettrait sans doute de donner par ricochet une plus grande régularité à sa voix certes profonde mais qui opère comme des décrochages très fugaces mais suffisamment récurrents pour qu’ils en deviennent gênants.

Les costumes sont superbes de richesse, à part la robe en taffetas bleue d’Emma et les tenues des danseuses persanes, qui constituent d’étranges fautes de goût par rapport aux autres et notamment le somptueux manteau du Prince Ivan Khovanski.

Les décors présentent de beaux tableaux, mais presque trop léchés, et même figés, d’une représentation valorisant le folklore russe à grand renfort d’icônes et de bataillons de streltsy en tenues impeccables. Le fond noir déchiré du deuxième Acte et l’atmosphère onirique et non réaliste de la forêt du cinquième et dernier Acte présentent beaucoup d’intérêt sur le plan visuel et illustrent davantage cette longue complainte sur une Russie en perdition qu’est La Khovantchina, déchirant cri du cœur d’un compositeur au bord de la mort et qui s’éteint à 42 ans échouant à achever une œuvre à laquelle il se consacra près d’une décennie.

 

© Guergana Damianova / OnP

 

La Khovantchina, musique de Modeste Moussorgski

Livret de Modeste Moussorgski et Vladimir Stassov

Mise en scène : Andrei Serban

Direction musicale : Hartmut Haenchen

Décors, costumes : Richard Hudson

Lumières : Yves Bernard

Chorégraphie : Laurence Fanon

Chef des Chœurs : Ching-Lien Wu

 

Avec :

Dimitry Ivashchenko (Prince Ivan Khovanski)

Sergei Skorokhodov (Prince Andrei Khovanski)

John Daszak (Prince Vassili Golitsine)

Evgeny Nikitin (Chakloviti)

Dmitry Belosseslkiy (Dosifei)

Anita Rachvelishvili (Marfa)

Carole Wilson (Susanna)

Gerhard Siegel (Le Clerc)

Anush Hovhannisyan (Emma)

Wojtek Smilek (Varsonofiev)

Vasily Efimov (Kouzka)

Tomasz Kumiega (Strechniev)

Volodymyr Tyshkov (Premier Strelets)

Alexander Milev (Deuxième Strelets)

Fernando Velasquez (confident de Golitsine)

 

 

Durée 4 h (avec deux entractes)

Jusqu’au 18 février 2022

A 19 h

 

 

Opéra national de Paris

Opéra Bastille

Place de la Bastille, 75012 Paris

www.operadeparis.fr

 

 

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