© Stéphane Trapier

ƒƒƒ article de Corinne François-Denève

Il faut beaucoup aimer les hommes, peut-être, pour aimer Pippo Delbono. Il faut accepter de le suivre dans sa longue autofiction théâtrale, dans sa logorrhée obsessionnelle, dans ses confessions impudiques et personnelles. Le théâtre du Rond-Point semble d’ailleurs s’être fait la spécialité de ce genre de spectacles d’exhibition de mâles blancs de plus de 50 ans, entre Delbono et Philippe Caubère. Il faut beaucoup aimer les hommes aussi, au sens de l’espèce humaine, pour accueillir sa troupe, truculente et variée, et leurs jeux de grands enfants. Mais ce qui sauve Pippo Delbono, justement, c’est qu’il aime les hommes, les femmes, les cabossés et les fous, les hystériques et les belles perdues, à l’image de ce Pepe, réfugié argentin, grand ordonnateur des feuilles et des fleurs, ou encore de ce Nelson, clochard céleste, grimé en personnage du Wizard of Oz, qui trouve des gestes antiques et rituels, précieux et désuets, révérencieux et retenus, pour saluer les spectateurs, à contretemps, ou à hors-temps de ses comparses.

Cette fois, nous prévient l’auteur, il ne sera pas question de sa mère. L’égotisme de Delbono va être mis en sourdine : il nous parle de son chagrin, mais d’un chagrin aux résonances universelles. Il nous prévient qu’il sera question d’autre chose, ce soir, à savoir des morts successives de Nicola, le fiancé d’une de ses comédiennes, victime d’un accident de voiture, décédé après un long coma, et surtout de Bobò, le compagnon sourd et muet de toujours, qui s’est récemment envolé. La « Gioia », la joie, est donc un chemin, une quête, et la pièce est un tombeau pour ces deux absents, qui semblent pourtant être toujours présents sur le plateau, surtout quand résonne la voix de Bobò, entre l’incantation et le sanglot, l’inarticulé et le sublime. Les visions se succèdent. Amour et mort, chair et diable. Un bal des vampires sur une musique romantique tonitruante, découpée par des stroboscopes qui tranchent les corps en plein sabbat. Une nuit des forains où tous les freaks sont de sortie. Une gigantesque reverdie, un déluge de fleurs, pour célébrer la vie qui revient, après la mort, avant de lui faire place de nouveau. « Où est la joie ? » « Nous sommes contents ! ». Delbono hurle ces mantras comme pour s’en persuader, danse, passe de la scène à la salle, se fait chef d’orchestre des grandes pompes du deuil et du chagrin, grandiloquent, sans peur du grotesque. Sa grande musique cosmique touche à des régions mystiques – qu’est-ce que la folie, finalement ? Belles images et grands effets.

Mais demeure une lancinante petite ariette au milieu du tumulte. Sur scène il y a aussi le banc où s’asseyait Bobò, vide. Finit par s’y asseoir longuement, dans la dernière scène, son comparse, son clown blanc, son Auguste, Gianluca. Pendant toute la dernière scène, il fixe la bougie d’un gâteau qui célèbre les 80, 100, 200, 300 ans de Bobò. Il ne sourit ni ne pleure. Il attend. Il est là.

© Stéphane Trapier

La Gioia de Pippo Delbono

Composition florale : Thierry Boutemy

Musique : Pippo Delbono, Antoine Bataille, Nicola Toscano, et différents auteurs

Lumière : Orlando Bolognesi

Son : Pietro Tirella

Costumes : Elena Giampaoli

Régie générale (en alternance) : Gianluca Bolla, Enrico Zucchelli

Direction technique : Fabio Sajiz

Coordination : Silvia Cassanelli

Avec : Dolly Albertin, Gianluca Ballarè, Margherita Clemente, Pippo Delbono, Ilaria Distante, Simone Goggiano, Mario Intruglio, Nelson Lariccia, Gianni Parenti, Pepe Robledo, Zakria Safi, Grazia Spinella

Avec la voix de : Bobò

Du 1^er au 20 octobre 2019 à 21 h

Durée 1 h 20

Théâtre du Rond Point
2bis av Franklin D. Roosevelt
75008 Paris

Réservation au 01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

Tournée :

20 et 21 juin 2019 Sibiu International Theatre Festival / Sibiu, Roumanie

28 septembre 2019 Saint-Pétersbourg / Russie

15 novembre 2019 Theâtre Era / Pontedera, Italie

17 novembre 2019 Teatro Delle Muse / Ancône, Italie

20 et 24 novembre 2019 Comédie De Genève / Genève, Suisse

27 novembre 2019 Théâtre De Villefranche / Villefranche Sur Saône (69)

30 novembre 2019 Théâtre Verdi / Pordenone, Italie

3 et 4 décembre 2019 Le Merlan, Scène Nationale / Marseille (13)

6 et 7 décembre 2019 Théâtre Molière, Scène Nationale / Sète (34)

10 et 11 décembre 2019 Les Deux Scène, Scène Nationale / Besançon (25)

13 décembre 2019 La Filature, Scène Nationale / Mulhouse (68)

17 et 18 décembre 2019 Bonlieu, Scène Nationale / Annecy (74)

8 au 10 janvier 2020 Théâtre Royal Flamand / Bruxelles (10)

3 au 8 mars 2020 Teatro Verga / Catane, Italie

12 au 15 mars 2020 Théâtre Piccinni / Bari, Italie

17 mars 2020 Théâtre Ponchielli / Cremone, Italie

19 au 22 mars 2020 Teatro Comunale / Bolzano, Italie

24 mars 2020 Teatro Comunale / Plaisance, Italie

27 et 28 mars 2020 Théâtre National / Nice (06)

1^er et 2 avril 2020 Teatros Del Canal / Madrid, Espagne

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