© Ludo Leleu
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Un joli goût d’enfance, de poussière de craie, de colle au goût d’amande… Du moins pour ma génération. La Fontaine, assemblée Fabuleuse… mise en scène de Nicolas Avray, est un voyage ludique parmi les œuvres d’un fabuliste qui interrogeait les hommes avec sagacité et pessimisme. Monsieur de La Fontaine, homme de son siècle mais dont le regard aigu portait bien au-delà, génial moraliste pour qui la nature humaine n’avait pas de secret, aux maximes d’une troublante modernité. C’est bien ce qui est formidable, de constater aujourd’hui combien ces fables ont une portée universelle et intemporelle. Injustices, violences, abus, âgisme et pour réponse l’amour, la solidarité, la liberté… À croire, et à s’en désespérer souvent, que les hommes ne changent jamais.
Ils sont deux sur le plateau, deux générations. Illustration claire que le temps ne fait rien à l’affaire et que La Fontaine demeure notre contemporain. Mieux même, c’est au public, tout âge confondu donc, qu’il est demandé parfois de lire la fable choisie au hasard. Merveille de l’exercice de voir combien chacun aborde l’œuvre, se l’approprie. Belle surprise aussi quand une adolescente abandonnant le livre récite de mémoire, pas peu fière de son effet. L’émotion est palpable. Yves Graffey et son jeune acolyte Lomig Ferré, puisent ainsi de façon aléatoire dans une œuvre féconde. Fables connues, méconnues, inconnues. La colombe et la fourmi, Le vieillard et les trois jeunes hommes, L’amour et la folie, L’oiseau blessé d’une flèche… et bien sûr, les incontournables, Le corbeau et le renard, La cigale et la fourmi, Le loup et l’agneau. Et quelques-unes encore. Dont Les animaux malades de la peste, sinistre échos d’une pandémie qui n’en finit pas et vous oblige au couvre-feu.
Yves Graffey et Lomig Ferré merveilleusement complices, jouant de leur âge et s’en déjouant aussi, font de chaque fable une courte et malicieuse saynète. Conteur plus qu’acteur, ensemble ou chacun leur tour, c’est avec les moyens du bord, un escabeau, un livre, un crayon, une perruque, qu’ils illustrent avec simplicité chaque fable. Rien de trop. Et pourtant il est bien là, ce bestiaire fabuleux, belette et petit lapin, âne et chien, grenouille et bœuf, milan et rossignol… Elle est bien là, la férocité du monde. Parfois on s’essaie à une version anglaise, on tente même le joual. C’est surprenant et fort drôle. Non sans gravité parfois quand la morale avec justesse fait encore tristement échos aux maux immuables de toute société. Mais nos deux compères ne s’appesantissent jamais. Il y a de la légèreté et un plaisir évident, une vrai jubilation, à transmettre, à faire découvrir pour qui ignorerait encore, ces petits chefs d’œuvre de la littérature française. Une jolie réussite, vraiment.
© Ludo Leleu
La Fontaine-Assemblée fabuleuse… mise en scène Nicolas Auvray
Sur une idée originale d’Yves Graffey
Assistante Marie Szlamowicz
Interprétation Yves Graffey et Lomig Ferré
Scénographie Vincent Szlamowicz
Lumières Jean-Louis Letexier
Son Sébastien Dupont
Costumes Alexandra Boukaka
Construction Maurice Crochu, Clément Szlamowicz et Charlie Vergnaud
Du 2 au 10 novembre 2020
Comédie de Picardie
62 rue des Jacobins
80 000 Amiens
Renseignements et réservations 03 22 22 20 28
comment closed