À l'affiche, Critiques // La Femme comme champ de bataille, de Matei Visniec, mis en scène par Lucilla Sebastiani, au Théâtre de Ménilmontant

La Femme comme champ de bataille, de Matei Visniec, mis en scène par Lucilla Sebastiani, au Théâtre de Ménilmontant

Déc 23, 2017 | Commentaires fermés sur La Femme comme champ de bataille, de Matei Visniec, mis en scène par Lucilla Sebastiani, au Théâtre de Ménilmontant

Article de Victoria Fourel

La Femme comme champ de bataille, la femme comme réceptacle de la haine, nouveau terrain de domination et de dépossession de soi. Nouvelle façon de toucher l’ennemi dans ce qu’il a de précieux, dans ce qu’il a d’intime, de familier. Les guerres inter-ethniques autour du monde sont le théâtre de ces pratiques inhumaines, de cette nouvelle arme de guerre.

Le sujet bien sûr, est passionnant, incompréhensible, bouleversant. Suivre le chemin d’une scientifique présente sur les lieux des guerres inter-ethniques, pour accompagner, reconstruire, ne serait-ce qu’un peu, comprendre les mécanismes de ces femmes transformées en patientes par le traumatisme. Le spectacle utilise ce parcours et une rencontre en particulier, comme fil conducteur, mais ne parvient pas à s’y accrocher en continu, digressant sur des sujets tout aussi intéressants, mais qui nous coupent de cette première ligne directrice. La découverte des charniers, l’impact de ces expériences sur la psychologue, la vision biaisée qu’ont les pays des Balkans les uns des autres, et qui les empêche de cohabiter sainement… Autant de choses abordées par le spectacle, qui méritent leur place sur scène, mais forme un ensemble déséquilibré. De la même façon, le texte hésite continuellement entre engagement violent et intime conversationnel, ne manquant pas quelques clichés. On apprécie que ce type d’œuvres existe, mais le traitement en reste un peu premier degré.

Sur scène, deux comédiennes prennent leurs rôles à bras-le-corps et s’en sortent plutôt bien. On note la performance de Lucilla Sebastiani, qui tient très bien sa Dora, femme blessée, morte déjà peut-être à l’intérieur. On voit cependant les difficultés à transmettre la violence du sujet sans sombrer dans le pathos, là où il est souvent possible de décaler, d’innover, aussi. De la même façon, on comprend bon nombre des choix de mise en scène, sans sentir que cela est vraiment réussi. Certaines transitions et certains passages, sûrement nés d’improvisations, sont longs, très longs, d’autres moments n’évitent pas les clichés, comme cette conversation rêvée entre Dora et son futur enfant, qui se veut effrayante mais est un peu drôle malgré elle. Là où les lumières et le décor choisissent la simplicité, on note également un grand nombre d’effets de voix off, de vidéos, qui augmentent le risque de décrocher, de perdre en intensité, et bien sûr de voir les ficelles.

A l’arrivée, ce spectacle permet que ce sujet ne soit pas oublié, que l’on rappelle qu’il est théorisé, que le viol des femmes au milieu des débris de la guerre n’est jamais un accident, un dommage collatéral, mais bien une atteinte à un peuple, conscient, réfléchi. Mais l’on aurait aimé des choix plus originaux, plus modernes, sans les monologues sur fonds musicaux, sans le réalisme glauque un peu facile. Le but n’aurait évidemment pas été d’embellir le sujet, mais simplement de le faire naître au plateau.

 

La Femme comme champ de bataille

Texte Matei Visniec
Mise en scène Lucilla Sebastiani

Avec Lucilla Sebastiani et Audrey Lange

Du 19 au 23 décembre 2017 à 20h

Théâtre de Ménilmontant
15 rue du Retrait
75020 Paris
Réservation 01 46 36 98 60

http://www.menilmontant.info

Be Sociable, Share!

comment closed