© Liebig
ƒƒ article de Nicolas Brizault
Marivaux, La double inconstance. Tout part pour une soirée fort sympathique, pour nous, car les choses vont être un peu plus complexes pour Silvia et Arlequin entre autres… Ils sont amoureux fous mais Silvia reçoit des avances du Prince, mais elle ne sait pas encore que le Prince est ce charmant garçon qui lui plaît beaucoup et lui fait de délicates avances, ils n’ont jamais été présentés, et si jamais elle n’avait pas été folle d’Arlequin, eh bien… pourquoi pas celui-ci ? Le Prince se lamente donc et ne sait comment séduire Silvia. Il tente de lui dire la vérité vraie de vraie et hop ! Elle passe à côté, et lui aussi donc. Flaminia − superbement complexe, fourbe et victorieuse − lui vient en aide, et pas pour rien, puisqu’elle est amoureuse d’Arlequin. Elle fait tout pour qu’il devine à son tour son amour pour elle… Tous gigotent en tous sens, les uns et les unes derrière ou devant les autres. Des histoires d’amour mises dans des shakers pour des cocktails façon fourberies intéressées avec un rien de faussetés assurées. Un peu de patience et d’idées séductrices un rien sournoises… et tous sont follement amoureux, éventuellement pour de vrai, sait-on jamais. Tout fini bien, la vie est belle, après tout, si, si.
Voilà pour le texte, magnifique et léger, aucun doute, et les rebondissements apparaissent et disparaissent. Le décor porte en son centre une sorte d’aquarium magique, un cercle vitré où l’intérieur peut devenir une jolie chambre à coucher ou tout autre espace particulier, comme des champs entourés de subtiles forêts. Tout autour, ce sont les antres des domestiques, qui malins, ont mis des caméras partout, des micros, et surveillent. Reste la mise en scène alors, surprenante et débordante d’inventivité, avec même un peu de vidéo en direct, puisque s’il n’y en avait pas, ce ne serait pas vraiment du théâtre. Pas de vidéos ? Pas de spectacle. C’est la mode, non ?? Aucune inventivité réelle oui, mais du pep’s amusant. Malgré tout, on s’aperçoit que la voix d’Arlequin a la mauvaise habitude de se dissimuler dans des limbes incertaines ou bien qu’elle a souhaité faire la sieste dans les loges. Les mots sortent mais se fondent ou bien, trop hachés, s’écrasent au sol. Les fourberies, les entourloupes nous emportent tout de même, le rythme est là, les personnages sont forts bien campés. Puis d’autres petits détails qui poussent vers une lassitude certaine. Arlequin est fort mécontent et ne veut pas se laisser faire par les idées du vilain gentil Prince ? Eh bien hop ! un bras d’honneur, vous savez, celui rendu plus joli encore avec l’extase d’un majeur victorieux, dressé bien fortement lui aussi. On est étonné, oui, et on ne voit pas en quoi une petite chose comme ça apporte finesse ou légèreté. Questions plus affirmées après le deuxième joli geste, et enfin vient encore un troisième, cette fois œuvre splendide de Silvia, au cas-où nous aurions raté les deux autres. Jamais deux sans trois, on s’en doutait. Et puis pourquoi pas un petit tour dans une pissotière, où Arlequin discute avec son laquais ? Arlequin n’a pas de chance vraiment, la subtilité oublie de rebondir sur lui, il n’était pas sage pendant les premiers essais de mise en scène ? Sur ces minis détails, les éclats de rire sans doute attendus ne semblent pas multiples dans la salle, ou bien font partie d’une nouvelle tendance, les éclats de rire muets. La double inconstance reste sympathique et bien menée, oui. Seulement un peu trop de pancartes du style « Il y a du moche chez Marivaux » qui souhaiteraient méchamment prendre place.
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La double inconstance, de Marivaux
Mise en scène de Galin Stoev
Avec Léo Bahon, Maud Gripon, Julie Julien, Aymeric Lecerf, Thibaut Prigent, Jean-Christophe Quenon, Mélodie Richard, Clémentine Verdier
Scénographie : Alban Ho Van
Vidéo : Arié van Egmond
Lumières : Elsa Revol
Son, musique : Joan Cambon
Costumes : Bjanka Adzic Ursulov
Assistanat à la mise en scène : Virginie Ferrere
Réalisation du décor dans les Ateliers du Théâtre de la Cité sous la direction de Claude Gaillard
Réalisation des costumes dans les Ateliers du Théâtre de la Cité sous la direction de Nathalie Trouvé
Du 7 au 19 décembre 2021
Du mardi au vendredi 20 h, samedi 20 h 30, dimanche 16 h
Durée : 2 h
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 Boulevard Saint-Martin
75010 Paris
Métro Strasbourg-St-Denis
Billetterie :
Tél. 01 42 08 00 32
http://www.aparteweb.com/
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