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La dernière bande, de Samuel Beckett, mise en scène de Peter Stein, Théâtre de l’œuvre

Mai 21, 2016 | Commentaires fermés sur La dernière bande, de Samuel Beckett, mise en scène de Peter Stein, Théâtre de l’œuvre

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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Qui donc est Krapp ? Cet homme usé, cassé, qui rembobine inlassablement sa vie… souvenirs enregistrés sur bande magnétique. Mémoire d’un homme qui n’est plus qu’une ombre, un dialogue fragmenté avec le passé. Expérience de la mort et de l’amour. La mort de la mère, l’amour de Bianca, de la femme du lac supérieur et sans doute d’une jeune fille en manteau vert miteux. Nostalgie, illusion et amertume. Le jeune Krapp n’est plus, le vieux Krapp se meurt. Constat lucide d’échec, tragique d’une vie traversée. Celui qui se présentait à nous en vieux clown aux gags éculés, ne glisse plus sur une peau de banane mais sur sa vie, jusqu’à la chute. Un pathétique et dernier tour de piste. Le clown est mort, vive Jacques Weber ! Applaudissons. Peter Stein réussit une mise en scène au cordeau. Crépusculaire. S’accommandant sans barguigner des didascalies tyranniques de Beckett, qu’il suit méticuleusement à la lettre. Pantomime avec banane incluse. Toute son attention porte sur l’interprétation magistrale de Jacques Weber. Méconnaissable. Perruque en bataille, nez de clown ou d’ivrogne on ne sait plus vraiment, trogne blafarde aux yeux de myope. Le corps lourd et rompu, las. La voix rauque rayée d’une toux grasse. Une interprétation inouïe où les silences denses sont troués de regards hantés par une vie, le souvenir d’une barque, un moment d’éternité. Pathétique, rogue, amer celui qui n’a plus rien à dire, « pas couic », ou alors des borborygmes, se fait parfois enfantin, malicieux. Ce qui ne pourrait être qu’aigreur n’est que blessure. Jacques Weber éblouit par ce poids d’humanité écorchée, fragile qu’il donne à son personnage. On est bouleversé, oui, parce qu’il résume à lui seul tous les personnages Beckettiens, ces clowns misérables, métaphysiques et tragiques. Ceux qui détiennent la vérité, l’absurdité de notre pauvre condition que résume sans doute ce grand landau à capote noir aperçu, « d’un funèbre ! », image condensée et foudroyante, le résumé d’une vie. Le clown est mort, vive Jacques Weber. Applaudissons !

La dernière bande de Samuel Beckett
Mise en scène de Peter Stein
Assisté de Nikolitsa Angelakopoulou
Avec Jacques Weber
Décor, Ferdinand Wôgerbauer
Costume, Anna Maria Heinreich
Maquillage et perruque, Cecile Kretschmar
Son, Xavier Jacquot
Jusqu’au 30 juin 2016 à 21h
Matinée samedi à 18h et dimanche à 15h

Théâtre de l’Œuvre
55, rue de Clichy – 75009 Paris
Réservations  01 44 53 88 88 ou 0892 68 36 22
www.theatredeloeuvre.fr

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