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La Conférence des objets, texte et mise en scène Christine Montalbetti, Comédie Française Studio

Déc 04, 2019 | Commentaires fermés sur La Conférence des objets, texte et mise en scène Christine Montalbetti, Comédie Française Studio

ƒƒ Article de Garance

La Conférence des objets c’est avant tout des monologues écrits à la suite d’entretiens avec cinq des comédiens de la troupe. Ces derniers ayant pour mission de choisir leurs objets fétiches et d’en parler afin que Christine Montalbetti puisse composer ce nouveau texte et ainsi s’essayer à la mise en scène.

Christine Montalbetti nous laisse un goût amer en bouche. En effet ces objets pourtant quotidiens voir transparents, lancés, jetés, malmenés ou juste délaissés, ces objets qui néanmoins nous écoutent à leurs manières interagissent avec nous, sur nous, et font partie intégrante de nos vies. Ces objets, en un simple grincement, peuvent faire chavirer notre perception sensible de ce qui nous entoure. Ces « objets » peuplent sûrement mieux le monde que nous ne le faisons. L’auteur nous renvoie à une sensation de confusion voir de frustration, celle qui confirme que nous passons chaque jour à côté d’une facette entière de notre environnement sensible sans même la comprendre. À travers des monologues sculptés, moulés parfaitement pour les comédiens et leurs différents champs imaginatifs, l’auteur nous fait basculer dans la source de notre humanité poétique : les mots. Matière pourtant maltraitée ou tordue. Avec La Conférence des objets, les mots ainsi que les objets prennent vie non pas pour se plaindre, quoique la révolte serait juste, mais pour montrer leur joie de vivre. Cela nous confère un nouveau regard ou plutôt une nouvelle puissance du regard, un regard qui peut transformer poétiquement notre biotope et réattribuer la grandeur et l’harmonie à chaque entité.

Ce qui concède toute sa force à ce qui autrefois fut inanimé et pour qui on adjuge une parole, c’est le respect avec lequel les comédiens ont su s’emparer du texte. Ils se proclament « narrateurs », ils n’incarnent pas les objets mais restituent fidèlement leurs paroles, leurs souffrances comme pour un ancêtre qu’on craindrait de froisser (le jeu reste alors très minimaliste, naturaliste). Cependant ils placent haut et fort les voix qu’ils ont choisies, auxquelles ils sont rattachés, pour lesquelles ils ont de l’affection et donc pour lesquelles les traces émotionnelles sont encore vives et fragiles. L’écoute est palpable, car nous nous voyons tous dans cette mélancolie cette douceur de retrouver un objet rattaché à un autre temps et pourtant emplie de souvenirs. En parallèle, assister à la naissance des mots chez les objets renvoie au processus créatif d’écriture, qui, surtout chez les dramaturges, nous apprend que chaque auteur a sa propre langue et qu’il faut de fait réapprendre à écouter et comprendre la parole, le rythme et le souffle. Faire ce travail perpétuel de prendre le temps de découvrir les mots sous un aspect paraît étranger voir hostile. Cela permet d’étendre l’imagination et sa propre perception du monde aux plus petits détails qui jusqu’alors paraissaient insignifiants. Car ne l’oublions pas, la langue contient de la vie à sa manière, elle reflète les maux d’une époque révolue avec elle, se modifie pour mieux permettre aux hommes de co-exister. Nous pouvons le constater ici les mots, comme les objets ont une âme. Les comédiens restent des présences, cela amplifie l’anthropomorphe de ces êtres à qui on permet par leurs absences physiques – et donc en retirant l’essence même de leurs existences – de n’être que soi et disponible à l’utilisation, immobile, de vivre pleinement ce moment de lumière. En interagissant les uns par rapport aux autres ce sont les êtres « insensibles » qui nous donnent une leçon, celle de ne pas oublier la beauté et la simplicité des rapports humains, c’est cette expérience qui nous rappelle notre propre existence et son importance.