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La Cerisaie de Tchekhov, collectif tg STAN, Théâtre de la Colline, Festival d’Automne à Paris

Déc 06, 2015 | Commentaires fermés sur La Cerisaie de Tchekhov, collectif tg STAN, Théâtre de la Colline, Festival d’Automne à Paris

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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© DR

Jubilatoire Cerisaie ! Enfin l’on rit à cette comédie comme le souhaitait Tchekhov lui-même. Car c’est bien une comédie. Avec ces ruptures de styles comme autant d’incises, de traces d’une tragédie latente, de drames passés, que l’on balaie soudain d’une réplique bouffonne, d’un silence éloquent. Les personnages sont bourrés de contradictions, hors de tout jugement. Terriblement vivants. Leur destin n’est jamais clos, ouvert sur un nouvel avenir que la vente du domaine rend possible. Et c’est tout cela, cette réalité contradictoire, que le collectif tg STAN révèle avec cette façon unique qui n’appartient qu’à lui. Cette façon de jouer comme si la pièce s’écrivait sous nos yeux, s’improvisait là avec trois fois rien comme décors, trois fois rien de costumes, ce qui traînait sans doute sur le plateau, fait de bric et de broc, et que l’on installe au gré des besoins. Un plateau qui devient cette propriété nue bientôt vendue et que l’on range soigneusement au moment du départ. Une façon aussi bien particulière de prendre le public à témoin, de découvrir avec lui la pièce, d’abattre le quatrième mur et en s’adressant frontalement à la salle de faire de chacun des spectateurs un acteur, un témoin muet mais bien présent qui découvre avec les acteurs sur le plateau – et parfois  dans la salle – la pièce et les personnages. Et puis des trouvailles de mise en scène qui vous épate par leur simplicité et leur justesse. Prenons la fête. Et le bal qui devient une danse échevelée où les personnages s’épuisent dans une chorégraphie  affolée comme s’il leur fallait se vider de toutes les tensions, de s’aveugler encore une fois avant l’inéluctable, ce que l’on refuse de voir obstinément. Une danse qui les anéantit alors que le domaine se vend et passe dans les mains de Lockapine. C’est cette énergie qui traverse le plateau, cette vitalité folle qui fait de cette Cerisaie par la grâce de cette mise en scène collective non une tragédie mais bien une comédie traversée de drames mais fortement, obstinément optimiste. La fin d’un monde, d’une société peut être, mais le début d’un autre surtout. tg STAN décrasse cette pièce du vernis de componction, de raideur, dans laquelle nous l’avons trop souvent vue, cette langueur d’un monde nostalgique, en mutation, qui la tuait, cette âme slave recomposée et fictive, à contre-sens. Les acteurs apportent un sacré poids d’humanité dans leur personnage. Jamais dans le jugement, dans l’action toujours. Il y a comme une urgence de vivre, d’être au présent. D’ignorer ce qui va suivre. Ils ont une part d’imprévisibilité brusque qui ne cesse de nous surprendre et leur donne une épaisseur formidable, personnages fragiles et forts à la fois, responsables et inconséquents de même. Obstinés dans leur caractère avant de bifurquer soudainement. Capables de silences obtus assourdissants et tout aussitôt de hurler. Terriblement, profondément humains et attachants.  Ce qu’ils révèlent c’est la modernité de Tchekhov qui avec la concision de son écriture, flagrante ici, offre sans jugement aucun un portrait aigu et sans concession de l’humanité. L’important n’est pas le contexte, trop souvent mis en avant dans la Cerisaie,mais comment les individus devant les changements se révèlent et se métamorphosent. La capacité de prendre son destin en main. Avec tg STAN nous ne sommes pas plus en Russie qu’ailleurs, nous sommes tout simplement au cœur de cette humanité en marche. Et si nous devions résumer cette création sans doute reprendrions nous la phrase du vieux valet Firs, oublié dans cette maison alors que tous sont partis : « la vie est passée » Oui c’est bien ça, sur le plateau, la vie passe. La vie. Furieusement.

La Cerisaie d’Anton Tchekhov
un projet de et avec Evelien Bosman, Evgenia Brendes, Robby Cleiren, Jolente de Keersmaeker, Lukas de Wolf, Bert Haelvoet, Minke Kruyver, Scarlet Tummers, Rosa Van Leeuwen, Stijn Van Opstal et Frank Vercruyssen.
Lumière thomas Walgrave
Costumes An d’huys
Décors avec la complicité de Damiaan de Shrijver

du mercredi au samedi à 20h30
le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h

Théâtre de la Colline
2 rue Malte Brun
75020 Paris
du 2 au 20 décembre
www.colline.fr
Réservation 01 44 62 52 52

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