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La Cerisaie, d’Anton Tchekhov, mise en scène de Clément Hervieu-Léger, à la Comédie-Française

Nov 22, 2021 | Commentaires fermés sur La Cerisaie, d’Anton Tchekhov, mise en scène de Clément Hervieu-Léger, à la Comédie-Française

 

© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

Le curieux décor d’une splendide maison russe se présente devant nous, intérieur-extérieur mélangés, dedans-dehors. Dans cette datcha évidemment au milieu d’une cerisaie immense, La Cerisaie, revient sa propriétaire, Lioubov Andreïevna. Elle a quitté la Russie après la mort de son fils. Après quelques années un peu folles en France sa fille Anïa la raccompagne. Lioubov Andreïevna est ruinée, la cerisaie ne fonctionne plus : elle a rapporté beaucoup d’argent, oui, a donné l’élégante habitude d’en dépenser plus encore. Mais aujourd’hui les comptes sont en chute libre et la cerisaie va être vendue aux enchères, tout bientôt, en août. Alors, faisons la fête, n’écoutons pas les conseils stupides, grossiers même de Lopakhine, fils de moujik, presque rien donc, même s’il est charmant et devenu fort riche. Il imagine et propose de transformer la cerisaie en gigantesques espaces de vacances, nouvelles datchas sans âme où n’importe qui viendrait se délasser quelques jours. Tout cela bien entendu serait construit sur la cerisaie. Quelle idée… Ce domaine, cette maison sont l’essence même de la famille, la cerisaie ne peut être « distribuée », anéantie. Les Lioubov, frère et sœur, est une génération encore « ailleurs », ne s’expliquent pas ces difficultés rencontrées. La cerisaie est à eux, c’est tout. Le temps passe cependant et le mois d’août arrive…

Cette histoire est d’une terrible simplicité. Une grande famille ruinée, le passé un peu partout, de l’amour ici ou là, de la politique dissimulée, et d’immenses changements, des bouleversements. Pour cette mise en scène de La Cerisaie, Clément Hervieu-Léger avait demandé à chacun et chacune d’aller chercher des souvenirs, importants ou non, pouvant avoir un lien quelconque avec ce texte, et d’y trouver une résonance façon cerisiers en fleurs qui les aideraient. Il semble que cette idée a fonctionné, et qu’en plus elle rebondit ici ou là, dans la salle, sait-on jamais. L’écriture simple et pourtant terriblement efficace de Tchekhov nous emporte, transmise par une équipe bruyante ou non, nombreuse ou non, heureuse ou inquiète. On sent parfaitement comment Andreïevna – Florence Viala, discrète dans ses excès, et qui sait s’effondrer si elle est vue et soutenue – fait tout pour se mentir à elle-même, oublier ce qui s’est, et ce qui va, se passer. Comment Lopakhine – excellent Loïc Corbery – tente d’être entendu puis se lasse et venge – peut-être – le passé moujik de son père, de sa famille à lui. Véronique Vella, la gouvernante, Charlotta Ivanovna, heureuse d’être gouvernante et Michel Favory ce vieux laquais Firs, qui ne sait et n’attend rien faire d’autre que servir. On se perd peut-être entre les filles, les cousines, qui se ressemblent sans doute. Ils sont tous et toutes aveugles et sourds, ne veulent ou ne peuvent pas faire autrement. Etranges victimes et ces deux monstres, l’argent et le temps, sans parler de l’amour aussi, cette fichue mécanique, si souvent rouillée. Quelques gestes, comme celui de Charlotta jetant ses clés au sol, quelques traces infimes dans le décor, comme celles laissées par les tableaux sur les murs abandonnés, des presque rien donc nous fustigent et soulignent.

Et nous parlions d’un curieux décor : un mur d’un vert pâle, à la fois chambre d’enfant, salon, porte s’ouvrant sur des salons mondains… Grand mur sans la moindre fleur blanche, sauf sur ce tableau central. Et pour souligner davantage une promenade, la scénographe Aurélie Maestre s’est inspirée d’une toile d’Ivan Chichkine, Champ de seigle.  Du seigle et de grands pins. Pas évident d’un seul coup. Sans doute une idée intéressante, mais pas très simple à partager. Il n’empêche que La Cerisaie reste une boucle noire, une arrivée bruyante qui se hâte vers ce départ annoncé. La cerisaie est détruite, n’existe plus. La cerisaie est partout et meurt.

 

© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

 

La Cerisaie, d’Anton Tchekhov

Mise en scène de Clément Hervieu-Léger, à la Comédie-Française

Traduction : André Markowicz et Françoise Morvan
Scénographie : Aurélie Maestre
Costumes : Caroline de Vivaise
Lumière : Bertrand Couderc
Musique originale : Pascal Sangla
Son : Jean-Luc Ristord
Travail chorégraphique : Bruno Bouché
Collaboration artistique : Aurélien Hamard-Padis
Assistanat aux costumes : Claire Fayel

Avec : Michel Favory, Véronique Vella*, Éric Génovèse, Florence Viala, Julie Sicard*, Loïc Corbery, Nicolas Lormeau, Adeline d’Hermy, Jérémy Lopez, Sébastien Pouderoux, Anna Cervinka, Rebecca Marder, Julien Frison, (* en alternance)

Et les comédiens de l’académie de la Comédie-Française : Vianney Arcel, Robin Azéma, Jérémy Berthoud, Héloïse Cholley, Fanny Jouffroy, Emma Laristan

 

Du 13 novembre 2021 au 6 février 2022
Durée estimée 2 h 20 sans entracte

 

 

Comédie-Française

Place Colette

75001 Paris

www.comedie-francaise.fr

Réservations 01 44 58 15 15

 

 

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