Critiques // « La Cagnotte » de Labiche à l’Épée de Bois

« La Cagnotte » de Labiche à l’Épée de Bois

Fév 25, 2011 | Aucun commentaire sur « La Cagnotte » de Labiche à l’Épée de Bois

Critique de Bruno Deslot

Une bouillotte qui refroidit !

Des jetons comme si il en pleuvait ! Une cagnotte bien remplie ! Et maintenant, que faire ?

Une joyeuse société de notables se livrant à une partie de carte hebdomadaire décide de se rendre à Paris pour dépenser tout l’argent amassé dans la cagnotte. L’escouade de province quitte La Ferté-sous-Jouarre pour rejoindre la capitale qui leur tombe dessus comme la vérole sur le bas clergé. Les tribulations étourdissantes d’une bande de nantis affamée de sensations tournent bien vite au cauchemar. Les petits-bourgeois de province ne possèdent pas les codes d’une société parisienne pour laquelle la niaiserie ne saurait faire office de passeport. Cette traversée de Paris permet à chacun de poursuivre son idée dans une direction qui n’est forcément pas la bonne. Le rentier qui souffre d’une rage de dent ira voir un dentiste, la vieille fille se rendra dans une agence matrimoniale, le fermier visitera des abattoirs et les autres… ce n’est guère mieux ! Accusée d’un vol qu’elle n’a pas commis, la joyeuse compagnie de cols-blancs se retrouve enchaînée ! La belle affaire, cette course-poursuite prend les allures d’un cauchemar éveillé !

Pénétrant l’aire de jeu, placée au centre du plateau, construite à l’aide de caillebotis géants et démontables, les comédiens investissent le lieu d’un habile jeu de jambe signifiant leur entrée ou sortie de scène. Le reste du temps, ils sont assis au fond du plateau, prêts à investir les planches comme des boxeurs pénètreraient un ring. L’action se déroule au sein de cet espace clos qui l’est davantage par les limites que circonscrit la mise en scène que par la structure elle-même. La Ferté-sous-Jouarre, centre du monde et de ses habitants c’est aussi Paris et ces repères que les provinciaux tentent, bien malgré eux, de retrouver. De la table de jeu où le brelan est à l’ordre du jour jusqu’à l’appartement du dandy qui tente de marier une vieille fille immariable pour quelques louis, l’espace se transforme au gré des situations mettant toujours l’accent sur la solitude des personnages confrontés à leur propre existence d’une vacuité toute exceptionnelle. L’escapade touristique des notables « du désert français » est menée de main de maître par Laurence Andreini qui propose une mise en scène efficace et rythmée, allant à l’essentiel pour un texte bavard et trop rapidement prévisible. D’un arbitraire policier à une prostitution déguisée, tout relève de la suggestion sans alourdir le propos qui n’en a pas besoin. L’aire de jeu, construite avec des caillebotis géants, permet quelques transformations très habiles comme ces tables vissées ou dévissées par le garçon de café afin de les faire apparaître et pouvoir y installer les nappes du restaurant dans lequel les bourgeois, après « un petit coup de vent » s’affaleront, repus, sur les tables et les chaises de l’établissement ! Ramenés à la verticale, ces caillebotis forment l’enclos dans lequel les godelureaux sont retenus prisonniers par la police, comme des bêtes de foire prêtes à recevoir leur médaille du Salon de l’agriculture ! Ridicules, ils le sont mais heureusement cela ne tue pas sinon le taux de mortalité ne cesserait d’augmenter !

Les lumières ajoutent une note chaleureuse et intimiste à l’ensemble de la composition interprétée par une belle distribution dont se dégage une énergie communicative. La complicité circule entre les comédiens qui s’amusent à enchaîner des situations toujours plus embarrassantes et à mettre en perspective la niaiserie de leur personnage avec un naturel évident. Le décalage d’information entre les personnages et le spectateur est proposé avec cohérence et l’on rit de la confusion de la situation car on en possède les clés.

Les bourgeois magnifiques de leur propre crétinerie, satisfaits  de leur propre suffisance imbécile, sont émouvants de naïveté prétentieuse et nous font partager un agréable moment de divertissement.

La Cagnotte
De :Eugène Labiche
Mise en scène : Laurence Andreini
Avec : Michel Baumann, Eric Bergeonneau, Christian Caro, Cyril Dubreuil, Carole Fages, Damien Henno, Jean-Marc Lallement, Benoît Marchand et en alternance Marie-Aude Weiss et Isabelle Védie
Dramaturgie : Gabrielle Piwnik
Scénographie : Philippe Marioge
Costumes : Florence Laforge
Lumières : Etienne Dousselin
Son : Michaël Schaller
Chants : Christine Van Beveren
Décor : Michel Pearson
Création graphique : Marine Denis

Du 1er au 20 mars 2011

Théâtre de l’Epée de Bois
Cartoucherie de Vincennes, Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris
www.epeedebois.com

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