© Élisabeth Carechio
ƒƒ article de Denis Sanglard
La mort aux trousses… Parce que condamné par la médecine celui-là décide de mourir dans les montagnes de son enfance. Deux chasseurs qui campaient non loin croisent son chemin. Soudain et sans raison aucune, inquiets de l’attitude de ce voyageur étrange, cette présence incongrue dans cette forêt, commence une chasse à l’homme absurde et tragique. Les deux chasseurs sont bientôt rejoints par un berger, puis un garde forestier, enfin une foule compacte… Alors que l’homme condamné et poursuivi, et devant la beauté de la nature, des paysages traversés, trouve un sens à sa vie et se décide à vivre, les assaillants découvrent leur propre peur, leur tragédie.
Étrange récit de Branimir Scepanovic, écrivain et scénariste serbe, conte poétique, parabole sur la force de vivre, deux monologues qui s’entrecroisent sans jamais se rencontrer. Il y a « il », le condamné et puis « je », l’un des deux chasseurs. Deux écritures, deux graphies, italiques et romanes. Récit non théâtral, un défi pour Julia Vidit à la mise en scène. Et un choix esthétique, devant l’impossible de la représentation réaliste, d’une abstraction qui épouse la structure même du récit.
Ils sont deux sur le plateau qui jamais ne se croisent, épousent lentement, et à rebours l’un de l’autre, la courbe de cette boîte qui les enferme, au centre de laquelle un cylindre conique et métallique anamorphose leur silhouette et découpe l’espace, sépare de fait, quand elle ne les occulte pas, les deux récitants. C’est tout à la fois un espace mental et la métaphore de ce récit qui ne cesse de se dérouler au rythme de cette chasse et de se métamorphoser au fur et à mesure des questions posées et dont les réponses, les résolutions gardent à la fois leur énigme et leur cruauté. Ce que Julia Vidit réussit également c’est de créer une atmosphère, des états émotionnels, détachés de ce qui est proféré pour en faire en quelque sorte la synthèse. Et de cet opus faire un objet théâtral et plastique traduisant au mieux, au plus près, l’écriture, l’expérience d’une lecture et d’une pensée et de son ressenti. Et tenter de révéler le sens profond de l’œuvre choisie. Tout concoure ici à cette réalisation d’une œuvre qui se voudrait totale et inclusive, son, lumières, images et reflets… Étienne Guiol, dessinateur et vidéaste, et Martin Poncet au son, ajoutent à cette expérience particulière, visuelle et sonore.
Si Marie-Sohna Condé, « il » est par la douceur, la retenue et les nuances de sa composition parfaite de justesse, ajoutant par cela même une touche d’étrangeté, on peut regretter quelque peu la forte dramatisation de Laurent Charpentier, « je », qui dénote quelque peu et tranche, par son réalisme volontaire et affirmé, sur l’ensemble. Malgré cette dernière réserve on reste cependant séduit par la cohérence de cette mise en scène et cette volonté de défendre de façon originale mais cohérente une écriture aussi prégnante en alliant intelligemment le fond et la forme. Car c’est bien l’écriture de Branimir Scepanovic qui est mise en scène.
© Élisabeth Carechio
La bouche pleine de terre de Branimir Scepanovic
Traduit du serbe par Jean Descat (Édition Tusitala)
Mise en scène de Julia Vidit
Adaptation Guillaume Cayet
Dessin et vidéo Étienne Guiol
Scénographie Thibaut Fack
Lumière Nathalie Perrier
Son Martin Poncet
Costume Valérie Ranchoux-Carta
Assistanat à la mise en scène Maryse Astier
Assistanat lumière Jeanne Dreyer
Atelier de construction La Baraka
Régie générale, lumière et vidéo Frédéric Maire, Frédéric Toussaint
Régie Plateau et son Jérôme Moulin
Du 17 au 21 janvier 2020
Studio-Théâtre de Vitry
En tournée
23 et 24 janvier 2020
La Comète, Scène Nationale / Châlons-en-Champagne (51)
12 février 2020
Le Carreau, Scène Nationale / Forbach (57)
24 et 25 mars 2020
Pont des Arts/ Cesson-Sévigné (35)
06 et 07 avril 2020
La Manufacture-Festival RING-CDN/Nancy (54)
16 avril 2020
Théâtre-Scène Conventionnée / Auxerre (89)
28 et 29 mai 2020 Espace Bernard-Marie Koltès / Metz (57)
5 juin 2020
Comédie-Printemps Numérique-CDN / Reims (51)
3 octobre 2020
Espace 110-Illzach (68)
comment closed