Critiques // La 7ème vague, théâtre du Centaure, au 104

La 7ème vague, théâtre du Centaure, au 104

Déc 22, 2015 | Commentaires fermés sur La 7ème vague, théâtre du Centaure, au 104

ƒ article de Denis Sanglard

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© DR

Faire corps avec sa monture, devenir un centaure. N’être plus qu’un, cavalier et cheval, réunis dans un même élan et dans un seul but, faire de la piste d’un manège un théâtre où se reflète le monde comme il va, au rythme d’un galop effréné… La compagnie du Centaure créée voilà bientôt trente ans par Camille et Manolo, basée à Marseille, invente un théâtre singulier que martèle le pas des chevaux. Une histoire d’utopie, de ces projets fous arrachés à ces passions qui lèvent tous les obstacles. Ils sont deux sur la piste, deux centaures, golden boy de la finance, qui font trembler les marchés, hors de toute réalité. La finance dématérialisée, le monde n’est plus que virtuel. Rivaux, à la sauvagerie glacée, ils se lancent un défi avant que ne vienne la 7éme vague, une onde de choc qui balaiera tout sur son passage, tsunami financier prévisible, sur lequel ils surfent sans vergogne. Un jeu meurtrier et sans issue alors que le monde s’effondre et que défilent sur écran les marchés affolés. La compagnie du Centaure invente une nouvelle théâtralité, animale, instinctive derrière le dressage. L’homme et l’animal soudés, c’est un étrange attelage où le cheval devient le porteur d’émotions, impulse le rythme de ce qui est énoncé. Galop, trot, pas, saut… c’est une singulière musicalité où le souffle de l’animal rejoint celui de son cavalier, jusque dans l’essoufflement,  et comme en tragédie classique où l’alexandrin déclamé sur le souffle révèle l’émotion, au-delà du sens, la pensée se dévoile et s’offre à nous. Certes nous sommes bien loin du vers racinien. On peut en effet regretter la maigreur du livret et un résumé par trop succinct, même si très bien documenté, des enjeux de la finance. Qu’importe sans doute. Ce qui semble porter ici c’est la relation entre ces deux centaures et le défi lancé. Et ce qu’il en résulte sur le plan de la théâtralité. Et plus encore ce que permet le texte dans la relation entre le cavalier et sa monture. Le texte comme prétexte pour un théâtre physique, organique où les corps engagés ne se distinguent plus de l’engagement du cheval lui-même. Lequel, semant le trouble, semble parfois autonome. Le résultat est étonnant, entre légèreté et puissance… Une légèreté feinte, distanciée, et une puissance réelle que le cheval offre de par sa présence tendue, nerveuse. C’est résumer en somme la cruauté légendaire du centaure et actualiser le mythe, incarné aujourd’hui par ces étranges cavaliers-traders. Une vision poétique et contemporaine singulière mais juste.

La 7ème vague mise en scène de Camille
Textes Camille et Manolo
Acteurs centaures Manolo et Toshiro (étalon lusitanien), Bertrand Bossard et Akira (étalon lusitanien)
Acteur en vidéo Mahier Gûnsiray
Composition et musique livre Virgile Abela
Création et régie lumière Bertrand Blayo
Création vidéo Camille et Jean-Christophe Aubert
Costumes par Paul Smith
Créations costumes Clarisse Guichard-Fifi Turin création

Le 104
104 rue d’Aubervilliers
75019 Paris
Du 17 au 23 décembre 2015 à 20h30
Réservations 01 53 35 50 00
www.104.fr

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