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King of war, d’Ivo Van Hove, au théâtre de Chaillot

Jan 27, 2016 | Commentaires fermés sur King of war, d’Ivo Van Hove, au théâtre de Chaillot

ƒƒƒ article de Florent Mirandole

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© Jan Versweyveld

Trois coups font vibrer les sièges du théâtre de Chaillot. Ils n’annoncent pas le début de la pièce, mais plutôt le début du combat de 3 rois, Henry V, Henri VI puis Richard III. Pendant un peu plus de 4 heures King Of War revient sur le règne de ces 3 souverains. Plutôt que de suivre leur lutte pour gagner ou conserver le pouvoir, Ivo Van Hove a recentrée l’action sur la personnalité de ces trois hommes, comme pour mieux les disséquer. Ce travail d’entomologiste permet d’interroger les fondements du pouvoir politique, et de comprendre comment la violence, la séduction ou encore la morale ont aidé à son maintien ou son basculement.

Autoritaires, sanguinaires ou démissionnaires, les trois figures royales présentes dans King of War s’avèrent très différentes dans leur manière de gérer le pouvoir. Ivo Van Hove étoffe d’ailleurs ces portraits en s’intéressant autant à leur attitude face à la grande politique, qu’à leur compromission face aux petits arrangements politiciens. La représentation des deux facettes de cette même couronne est servie par la construction de deux espaces scéniques distincts, la scène et les coulisses, labyrinthe de couloirs derrière la scène filmée et diffusée sur un grand écran. Ce dispositif nous donne l’occasion d’une plongée dans l’intimité du royaume d’Angleterre, où aux petits assassinats mesquins succèdent les couronnements en grande pompe. King of War ne se veut toutefois pas un document historique sur une époque où les dirigeants combattaient encore aux côtés de leurs troupes. Le sel de King Of War est de faire écho avec notre époque contemporaine. Au milieu des costumes noirs, des écrans radar et des salons de thé, les hésitations, les décisions bornées ou le manque d’ambition de ces dirigeants raisonnent juste à un public au fait de l’actualité. Et en resserrant l’intrigue autour de la personnalité du chef, le metteur en scène colle à la personnalisation du pouvoir de nos sociétés contemporaines.

L’intérêt du projet de King of War apparaît plus clairement encore lorsque le metteur en scène fait basculer son travail dans l’abstraction. Du palais illuminé et grouillant d’Henry V, on passe à un plateau entièrement nu lorsque Richard III commence à sévir. Il n’y a qu’un pas pour y voir une représentation du pouvoir, où l’avènement d’un pouvoir sanguinaire coïncide avec un pouvoir solitaire. C’est peut être dans la mise en scène de Richard III face à ses propres démons lors de la scène du rêve de Richard III que le metteur en scène réussit le mieux la synthèse de son projet politique et de son esthétique si personnelle. Sur une scène vide, face à un écran géant, les visages des spectres finissent par se confondre avec celui du roi solitaire projeté devant lui. La scène s’avère être un moment d’une rare intensité.

Le projet d’Ivo Van Hove n’allait pas sans une part de risque. En refusant de mettre en scène les éclats de violence de ces rois, ou d’appuyer sur leur capacité de séduction, Ivo Van Hove a pris le risque de créer une pièce austère. Si King of war s’avère effectivement un brin martial, la nouvelle traduction de Rob Klinkenberg écumant en prime les passages trop poétiques, la pièce nous permet pourtant de découvrir les personnages sous un angle nouveau. C’est le cas avec Richard III par exemple. Démon manipulateur et séducteur sous Thomas Ostermeier, Richard III devient sous les traits d’Ivo Van Hove un austère fossoyeur avide de pouvoir, animé par la seule conquête froide et narcissique.

King Of Ware se révèle au final une expérience de dissection des mécanismes de pouvoir passionnante à suivre.

 

Texte d’après Henri VHenri VI et Richard III de William Shakespeare
Mise en scène Ivo van Hove
Traduction Rob Klinkenberg
Adaptation Bart van den Eynde
Adaptationetdramaturgie Peter van Kraaij
Scénographie, lumières Jan Versweyveld
Compositeur Eric Sleichim
Vidéo Tal Yarden
Costumes An D’Huys
 
Avec Kitty Courbois, Hélène Devos, Fred Goessens, Janni Goslinga, Aus Greidanus jr., Robert de Hoog, Hans Kesting, Hugo Koolschijn, Ramsey Nasr, Chris Nietvelt, Alwin Pulinckx, Bart Slegers, Eelco Smits, Harm Duco Schut (comédiens), Steve Dugardin (contre-ténor), BL!NDMAN [brass] : Konstantin Koev, Daniel Quiles Cascant, Daniel Ruibal Ortigueira, Alain Pire, Max Van den Brand, Charlotte Van Passen

Du 22 au 31 janvier
A 19h

Théâtre national de Chaillot
1, place du Trocadéro – 75116 Paris
Réservations 01 53 65 30 00
www.theatre-chaillot.fr

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