Critiques // Critique • « Kawa, solo à deux » d’Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou / Festival Francophonies en Limousin

Critique • « Kawa, solo à deux » d’Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou / Festival Francophonies en Limousin

Oct 04, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Kawa, solo à deux » d’Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou / Festival Francophonies en Limousin

Critique de Camille Hazard

« Le cœur ne se voit pas et rien de témoigne de sa présence »
Marhmoud Darwish

Transcription chorégraphique de « Une mémoire pour l’oubli ».

La création de Kawa part d’un hommage à l’un des plus grands poètes du Moyen-Orient, M. Darwich. L’écrivain qui considérait le café du matin comme nécessaire à l’éveil, à la mise au monde, hommage à celui qui écrivait : « De tous les matins du monde, je ne veux rien d’autre que l’odeur du café, pour me reprendre dans mes pieds, me transformer d’animal rampant en être de raison. » On connait les magnifiques métaphores de ce poète pour parler de ses douleurs, de la guerre, de son pays, des amandiers en fleurs…
Tout en prenant son temps, tout en étant mûrement réfléchit et consciencieusement précis dans chaque mouvement, le spectacle Kawa nous atteint comme une fulgurance, un battement de paupière sur le monde.

© Jef Rabillon

Sur scène, un amas de tasses à café. Rien ne bouge.
Puis des paroles empruntées à « Une mémoire pour l’oubli » viennent troubler le profond silence de la salle.
Un homme (Hafiz Dhaou) s’éveille enseveli sous les tasses.
Les brefs sursauts du réveil, les étirements indolents et timides laissent bientôt place à un corps se mouvant dans l’espace, parcourant chaque recoin du sol pour le reconnaître, le vérifier, le sentir et se mettre en vie. L’amoncellement de tasses remue, tombe, fait apparaître un corps en lutte fragile et cassant, le réveil d’un homme fatigué de se lever.
Après s’est éveillé chez lui, l’homme regarde par la fenêtre dans notre direction, nous revêtons le rôle de passants, de témoins. Des bruits de rue, un son de sirène de bateau indiquent son éveil à la ville. Puis des sons sourds et stridents d’une guerre s’élèvent, l’homme s’éveille à son pays. Petit à petit son réveil l’amène au centre du monde. Les bruits l’accompagnent dans ce long processus : le son de sirène devient note de piano devenant elle-même musique, les sons s’emplissent en suivant ce corps à fleur de peau, sans cesse en mouvement. C’est un corps qui avale l’espace, qui absorbe l’extérieur, qui se charge de ce qui l’entoure.
Les pensées et la conscience accaparent ce corps en guerre par des mouvements saccadés et destructeurs.
Le café l’a mis au monde.

Le corps et l’esprit plein de ce monde, Hafiz Dhaou entame un parcours avec les tasses à café qu’il pose à divers endroits. On comprend que ces tasses ne sont nullement déposées au hasard mais au sol, sur des capitales d’une mappemonde imaginaire. Transmission de conscience, volonté de dialogue, tentative de réveil… L’acte est fort, aucun mot n’est nécessaire pour comprendre son message et son appel.
Mais la lutte est trop forte, déséquilibrée, biaisée, l’homme trop plein et accablé cherche maintenant à se vider de sa substance. Face à sa solitude, devant son impuissance à réveiller, à la manière d’un derviche tourneur, il tourne, tourne, tourne, jusqu’au tournis, jusqu’à l’épuisement, jusqu’à ce que le corps perde tout pensée. Dans une danse incantatoire tourmentée et obsessionnelle, il recrache tout ce qu’il a ingurgité, se vide jusqu’à l’oubli. Le corps mémoire redevient chaire.
Hafiz Dahou et Aïcha M’Barek proposent un solo de danse éblouissant. Chaque mouvement est porteur de sens, les sons, la lumières et les zones d’ombres jouent avec le corps sur scène, tenant également un rôle. La précision de chaque geste travaillé avec la plus grande minutie fait naître images, sensations et émotions.
Hommage magnifique à celui qui fut l’une des plus belles voix poétiques du Moyen-Orient.

Kawa, solo à deux
Chorégraphes : Aïcha M’Barek, Hafiz Dhaou
Musique : Eric Aldéa, Ivan Chiossone
Mise en lumière : Sandrine Faure
Régie son : Christophe Zurfluh
Avec : Hafiz Dhaou

Le vendredi 30 septembre à 18h30 et le samedi 1er octobre 2011 à 15h00
Dans le cadre du festival
Les Francophonies en Limousin

C.C.M Jean Gagnant
7 Avenue Jean gagnant, 87 000 Limoges – Réservations 05 55 10 90 10

Compagnie Chatha : www.chatha.org

En Tournée :
Le 19 novembre 2011 » Les Éclats Chorégraphiques, Théâtre du Château – Barbezieux 05 45 78 89 09
Les 7, 8 et 9 décembre 2011 » Centre National de la Danse – Pantin 01 41 83 98 98

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