© Sébastien Toubon
ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette
Judith Magre dit Apollinaire, en duo avec Éric Naulleau et voilà, tout est dit ou presque. Ce spectacle est une sorte de rendez-vous, au Théâtre de Poche-Montparnasse, la petite salle est pleine et se remplit encore, la scène est rejointe par deux complices patients qui discutent un peu, se penchant l’un vers l’autres, souriants. Un homme, Éric Naulleau, une femme, Judith Magre. Tout est prêt. Quelques personnes presque en retard, qui évidemment voudraient le siège de leur voisin, tous les autres sont sages, pas encore muets et souvent très âgés. Judith Magre les bat peut-être tous à plate couture, resplendissante d’un auburn presque décoiffé, belle, élégante et Apollinaire en poche, qu’elle déplie devant elle sur un minuscule bureau pour ce petit moment magique, pendant lequel cet Apollinaire va nous rejoindre, lui aussi, avec bien entendu Le pont Mirabeau, comment faire autrement, La chanson du mal-aimé, et aussi Les Zaporogues au sultan de Constantinople, Le chat, etc.
Ce spectacle est présenté comme une « causerie » entre Judith Magre et Éric Naulleau. Oui, bien sûr. Nous avons le plaisir d’écouter Éric Naulleau présenter Apollinaire, raconter, multiplier les images, les détails, petite conférence charmante, avec, de temps en temps, une vieille dame époustouflante qui dit, lit, Apollinaire. C’est un duo, bien évidemment, mais l’envie d’écouter davantage Judith Magre est immense, frissonnante. On attendrait, pourquoi pas un spectacle légèrement plus court, pourquoi pas, 98 ans obligent ? Mais avec cette voix nous emportant davantage, ce regard brillant plus présent ? À la fois plaisir immense et trépignement égoïste et résonnant. Et quand Apollinaire défonce la porte et se retrouve sur scène, resplendissant d’être soutenu par Judith Magre seule, Apollinaire heureux qu’on ne raconte pas tout sur lui, un peu de discrétion tout de même, là il s’offre, sur une voix faible et forte. Les vibrations débarquent, dans la salle. Les images lointaines se traînent un peu mais sont là, de plus en plus nombreuses, la voix finalement ne les soutient plus mais rebonds, lenteur, vitesse, vitesse peur, beauté en somme ont débarqué. Folle impression d’un cadeau, de la scène vers la salle, de la salle vers la scène. Comme si nous étions tous heureux. Les sourires tentent de ne pas trop éclater devant nous, Apollinaire entre les mains. Et nous voulons rester silencieux. Le public est pris. Semble hésiter aux applaudissement entre deux poèmes, il n’ose pas. Dommage ou pas ? Allez savoir et peu importe. Judith Magre dit Apollinaire est offert, avec un résultat fantastique, une fois de retour chez nous, ce désir de courir vers le texte, avec ce fort souvenir de Judith Magre devant nous, regard resplendissant, comme fouillant dans le texte pour nous en donner le meilleur écho. Puis le laissant de côté ce texte, la mémoire victorieuse, joyeuse, éclatant de rire face à ces feuilles de papier ne servant à rien, la plupart du temps. Un très bel instant, donnant l’envie d’aller dire à la fin merci à la dame.
Judith Magre dit Apollinaire, conçu et animé par Éric Naulleau
Avec Judith Magre et Éric Naulleau
Lumières : Alireza Kishipour
Images : Elsa Goulley et François Bouyé
Tous les lundis à 19h
Durée du spectacle : 1h15
Du 12 mai au 7 juillet 2025
Théâtre de Poche-Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse
75006 Paris
Réservations : 01 45 44 50 21
www.theatredepoche-montparnasse.com
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