ƒƒ article de Denis Sanglard

© DR

Où est passée la danse ? Cette danse explosive, abrasive, engagée qui faisait la singularité de DV8… Avec John il semble que le chorégraphe Llyod Newson entame un nouveau tournant. Et déroute quelque peu. La parole, le texte succède à la danse, toujours présente mais comme estompée, en retrait. Certes les corps sont présents, proches de la chute toujours, secoués de spasmes comme autant de signes de dérèglements intérieurs. Cependant il y a quelque chose d’apaisé désormais dans la dynamique jusque-là très physique. Apaisé ou plus exactement plus intériorisé. Les corps sont à vif mais n’explosent plus. Seuls quelques gestes échappés modulent une pensée, la soulignent ou la contredisent. La parole seule porte toute la violence d’un parcours, d’une vie hors-norme et somme toute banale. Proche désormais du théâtre documentaire, John, s’attache au destin chahuté d’un seul individu,  brosse un portrait avant tout sociologique, celle d’une trajectoire complexe prise en étau entre déterminisme social et résilience. C’est un long monologue qui déroule une vie chaotique. Milieu populaire, inceste, viol, drogue, alcool, délinquance, meurtre, prison, errance, désintox… découverte de son homosexualité. Volonté de se relever. Il n’y a rien de théâtral, aucune fiction, tout est issu d’entretiens réalisés dans un sauna gay – dans lequel se déroule la plus grande partie de la pièce – desquels la voix singulière de John, son histoire chaotique, d’emblée s’est imposée. Et c’est dans ce sauna, sexuellement, entre intimité particulière et solitude, que John recherche et trouve une normalité, une acceptation de soi. Dans ce lieu d’autres voix se mêlent à la sienne et c’est tout un pan de la sexualité masculine, hétéro, bi, homo, indécis, que Lloyd Newson dévoile aussi, comme un documentaire brut. Alors oui la danse s’efface doucement devant le théâtre, le mot. Mais résiste aussi. Cela donne une création  hybride où le verbe affirmé se fait chair. Les danseurs-comédiens donnent un sacré poids d’humanité à leur personnage issus de la vie réelle, tout en restant en distance, sans jugement, sans intention autre que ce qui est énoncé. Hannes Langolf incarne John avec une sensibilité de bête traquée. Capable d’explosions de violence et de sensibilité exacerbée son corps se plie aux émotions contradictoires qui le traversent, corps buté de l’adolescent délinquant et toxicomane, corps sensuel de l’adulte en recherche de lui-même à travers le corps des autres, c’est peut être là que se situe la danse aujourd’hui de Lloyd Newson, dans l’expression brute et frontale des sentiments, des corps mis à nus, écorchés et dans une danse minimaliste désormais et avant tout au service d’un texte, d’une vérité sociologique qui les fait vibrer, trembler, retrouver l’inconscient, la mémoire enfouie que tout corps renferme. Un mouvement venu de l’intérieur que le verbe fait jaillir par saillie. Les corps n’explosent plus, ils implosent. La parole les libère.

John
Conception et direction de Lloyd Newson
Collaboration artistique Hannes Langolf
Assistant metteur en scène David Grewcock
Chorégraphie Lloyd Newson et les danseurs
CRéation scènique et costumes Anna Fleischle
Création lumière Richard Godin
Création sonore Gareth Fry

avec Lee Boggess, Gabriel Castillo, Ian Garside, Ermira Goro, David Grewcock, Garth Johnson, Hannes Langolf, Sean Marcs, Vivien Wood, Andi Xhuma,

du 9 au 19 décembre 2015 à 20h, le jeudi à 19h30
relâche le dimanche
Grande Halle de la Villette
211 avenue Jean Jaures
75019 Paris

réservation :
Grande Halle de la Villette 01 40 03 75 75
www.lavilette.com
Théâtre de la ville 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
festival d’Automne à Paris 01 53 45 17 17
www.festival-automne.com

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