© JB Bornier

ƒƒ article de Nathalie Tambutet

Accueil au conservatoire Pina Bausch de Montreuil, après sa réouverture, de la première représentation du spectacle hors-les-murs Je voudrais parler de Duras, produit par le collectif Bajour. Une salle réduite pour ce théâtre de l’intime. Un espace scénique sobre. Côté jardin, une table sur laquelle est posé le matériel de la régisseuse. Les deux artistes sont l’un à côté de l’autre sur la scène pendant que le public s’installe.

Une voix off surgit. Nous écoutons et reconnaissons celle de Thierry Ardisson dans l’émission télévisuelle Tout Le Monde En Parle. Yann Andréa y est convié.

C’est donc Thierry Ardisson lui-même qui nous présente le personnage du spectacle. Yann Andréa est le dernier amant de l’écrivaine Marguerite Duras, de trente-huit ans son aîné. Il vient présenter son ouvrage Cet amour-là, publié en 1999. Yann Andréa l’a écrit après le décès, en 1996, de Duras, pour raconter son histoire hors-norme avec elle, la faire vivre encore un peu, rendre immortel leur amour.

C’est un jeune-homme de vingt-deux ans qui découvre chez des amis un livre de Marguerite Duras : Les petits chevaux de Tarquinia, dans lequel l’auteure évoque l’amour, le vrai, celui auquel on ne peut se soustraire. Il est fasciné par ce livre et va lire tout Duras. Duras rien que Duras. Cela remplit son imaginaire. Lors de la projection du film India Song à Caen, il va à sa rencontre lors d’un débat pour lui demander une dédicace et son adresse. Audacieux pour un jeune homme ! Elle le lui donne oralement. Il lui écrit et lui écrira sans cesse. Deux ans plus tard, Duras lui envoie son dernier livre : L’homme assis dans le couloir.

La rencontre aura lieu à l’hôtel Les Roches Noires à Trouville. Ils ne se quitteront plus. Il est son dernier amant alors qu’il est homosexuel. C’est un jeune homme timide qui prend la parole. Le comédien permet à ce jeune homme de s’exprimer en public. Mais comment parler de Duras ?

Il peut dire comment il l’a rencontrée mais c’est bien difficile pour lui d’oser plus. Il ne veut pas la trahir, il ne veut pas donner une mauvaise image de celle qui est son grand amour, celui qu’il a rencontré grâce à ses livres, la littérature puis celui qu’il a pour cette femme, emplie de désir et de vie. Il décrit sa rencontre avec Duras en s’asseyant dans le public, comme si on était dans cette salle de débat du cinéma à Caen. Nous le suivons pas à pas dans leur l’histoire. Il est tombé en amour de ses textes et à travers ses textes, d’elle.

Il y a la rencontre à Trouville, le bonheur absolu. Il plane, le comédien s’allonge au sol et part dans son imaginaire.

Puis c’est un jeune homme possédé que nous découvrons dans un second temps. Le comédien est totalement transformé par la passion. Dans la passion, la mort n’existe pas, seule existe l’éternité comme dans la littérature. Tout se brouille en lui. Il se questionne. N’a-t-il plus d’identité, qui est-il ? Est-il lui-même Yann Andréa ou un personnage de roman de Duras. N’est-il pas au service de l’écriture de Duras et des livres à venir, du livre à venir ? De quelle passion s’agit-il ? Celle de la littérature ou de la passion amoureuse ?

Une double histoire de passion, passion amoureuse dévorante et passion pour la littérature. La passion est-elle toujours destructrice ? Dans cette relation, ils ne sont pas à égalité, il est son serviteur, elle dirige tout, décide de tout. Il a un rapport de fascination pour l’écrivaine et la femme. Cette femme qui vit dans l’imaginaire, qui a une force de vie inouïe, qui est dans le présent.

Tout se trouble, tout a toujours été trouble avec Duras, la différence entre la réalité et l’imaginaire n’est pas perceptible. Tout est étrange avec Duras, à l’image de leur relation. Une relation non conventionnelle, une femme queer avant l’heure.

La comédienne sur le plateau est tantôt la personne qui autorise à dire, celle qui soutient et tantôt Duras elle-même, l’écrivaine ou la femme.

Elle, et nous, écoutons son témoignage de leur histoire, l’histoire de sa vie à lui, en quête du livre à écrire. Il nous parle aussi sans le dire de l’emprise dans les relations. Lui, il s’est mis au service de l’imaginaire de Marguerite Duras.

Le monologue du comédien est une reconstitution des entretiens que Yann Andréa a eu lui-même avec la journaliste et romancière Michèle Manceaux, seulement deux ans après sa rencontre avec Marguerite Duras.

« L’amour ne peut pas exister sans la destruction de quelqu’un, sans la mort. »

Un comédien qui se transforme devant nous, habité par cette histoire, qui donne juste envie d’aller lire ou de relire Duras et Yann Andréa, envie d’en savoir plus sur ce lien, sur leurs œuvres, qui suscite le désir de comprendre qui a été Yann Andréa et qui il était pour Duras.

Je voudrais parler de Duras, d’après Je voudrais parler de Duras : entretien, Yann Andréa

Co-mis en scène par Katell Daunis et Julien Derivaz

Interprétation : Julien Derivaz, Katell Daunis

Lumières :  Lucien Laborderie

Mixage son : Étienne Bonhomme

Régie lumières : Lucien Laborderie

Durée : 1 heure

Du 9 au 16 décembre 2024

Lundi 9 décembre : 20h, Conservatoire Pina Bausch

13, avenue de la Résistance, 93100 Montreuil

Mardi 10 décembre : 20h, Le Sample, 18, avenue de la République, 93170 Bagnolet

Samedi 14 décembre : 22h, Neptune, 32, Boulevard Paul Vaillant Couturier, 93100 Montreuil

Lundi 16 décembre : 20h, Hôtel de Ville de Montreuil, Salle des mariages, 1, place Jean Jaurès, 93100 Montreuil

Théâtre Public de Montreuil (TPM) Centre dramatique national, 10 Place Jean Jaurès, 93100 Montreuil www.theatrepublicmontreuil.com

En tournée en 2025

8 janvier 2025 : Le Beffroi, 92120 Montrouge

6 mars 2025 : Communauté de communes Lodevois et Larzac, Cinéma Luteva, 34700 Lodève

3 et 4 avril 2025 : Université du Havre, 76600 Le Havre

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