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Je te réponds, texte et mise en espace Pascal Rambert, Théâtre des Bouffes du Nord, Festival d’Automne, Paris

Déc 07, 2024 | Commentaires fermés sur Je te réponds, texte et mise en espace Pascal Rambert, Théâtre des Bouffes du Nord, Festival d’Automne, Paris

 

©  Lou Rambert Preiss

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Les hommes et les femmes que l’on voit sur scène dans Je te réponds ne sont pas, comment dire, de « vrais » comédiens. Ils ont été condamnés à de longues peines de prison. L’un n’empêche pas l’autre me répondrez-vous. Certes, mais la question est ailleurs, plus belle et plus forte. Pascal Rambert a mené plusieurs ateliers d’écriture, accompagné par son fils, le réalisateur Lou Rambert Preiss. Ils ont rencontré des hommes et des femmes dans le parloir du Centre pénitentiaire sud-francilien de Réau, en Seine-et-Marne, de septembre 2021 à janvier 2023. Un projet de réhabilitation sociale. Ils en ont tiré ce spectacle très bon, touchant, qui fait beaucoup réfléchir. Qui nous permet de voir les choses un peu différemment, quand on réalise que les gens sur scène savent très bien de quoi ils parlent. Cristy, Christine, Karim, Benjamin, Tyson et Jean Frigo font partie en effet de ceux rencontrés dans ce centre pénitentiaire. Ils ont entre 30 et 60 ans, sont sur scène ou apparaissent sur un écran, et parlent d’eux. On a pu arriver vite, sans tout lire, sans lire le principal et on se dit, tiens, pourquoi celui-ci n’est-il pas sur scène ? Quand va-t-il rejoindre la scène ? On attend et il n’arrive pas.

Je te réponds est un très bon spectacle parce qu’il plaît et ne plaît pas, forcément. On tente de se creuser la cervelle, pourquoi se dit-on « non, je ne me lèverai pas pour applaudir », ils sont en prison, ils l’on bien mérité ! Bien sûr… Ils ne sont pas tous en prison pour des horreurs sanguinolentes. Il n’y a pas que ça en prison. Il y a les conneries, ça existe les conneries, ça arrive les conneries. Celles des hommes et femmes de ce soir ont dû être assez fortes, les peines sont lourdes. Ce spectacle donne envie de les rencontrer, de discuter, échanger. Sur scène, ils nous tournent le dos, assis sur une chaise. Ils se lèvent les uns après les autres, se tournent vers nous et parlent, racontent, comment ils sont en cellules, ce que cela peut vouloir dire.

Le projet, Je te réponds, s’inscrit dans une dynamique plus large de réhabilitation sociale, conforme à la circulaire de 2012 sur les projets culturels en milieu carcéral. Pascal Rambert a mené plusieurs ateliers d’écriture. Cristy, Christine, Karim, Benjamin, Tyson et Jean Frigo donnent l’impression d’être face à des années de réflexion. Dans un espace minuscule, ou partagé, donc pas très grand non plus. Ce spectacle tente de nous montrer ce qu’enfermement veux dire. Encore une fois pourquoi sont-ils là ? Ils ont fait de grosses bêtises. En les écoutant, on réfléchit sur les conditions très sombres qui ont pu parfois les pousser en prison, ceux qui sont là, ce soir, devant nous, éducation, etc. On s’aperçoit qu’il faut aussi, parfois, penser à leur tendre la main.

Certains sont enfermés parce qu’ils ont été « menés » à agir mal, oui, un événement plus que sombre, dommage immense, vécu par ces gens « enfermés » d’une façon ou d’une autre, depuis la naissance, et que nous ne réalisons pas toujours… Nous, sagement au théâtre, ne savons pas forcément à quoi ça ressemble une vie difficile qui pousse à faire des conneries. Alléluia me direz-vous, oui. Mais ce spectacle nous tourne vers l’autre, celui ou celle qui a mal tourné, et qui tente de nous dire « tiens, si tu m’écoutais ? » Ils ne sont pas tous là pour les mêmes raisons, n’ont pas tous suivis les mêmes chemins, ne ressentent pas tous la même chose. Tout dépend pourquoi, oui, oui, oui, oui. Les parents ne se sentent-ils pas enfermés à vie après l’assassinat de leur enfant ?

On grogne un peu, avec raisons ici où là et puis viennent quelques questions, ici ou là elles aussi… On n’a pas la réponse, on a juste l’image de ce que certains vivent, sentent, après et faces à toutes ces années. Nous nous emprisonnons peut-être à ne pas tendre la main, à ne pas vouloir réfléchir. On se retrouve un peu bête ici ou là. On comprend mieux pourquoi le texte glisse parfois, se perd très légèrement. Cela ne fait pas forcément partie de la mise en scène. Tous et toutes semblent forts, cette faiblesse que l’on perçoit là a sans doute créé chez eux, au fil du temps, une nouvelle façon de réfléchir. On imagine du vol, de la grosse tricherie organisée. L’argent semble être au milieu de toutes les affaires. Ceci nous permet de voir les choses différemment, de mieux percevoir leur humanité. Et leur douleur après des chemins qui leur ont semblé magnifiques et évidents, faciles, à un moment ou un autre et qui ne l’étaient pas, loin de là. Ils ne sont pas ici pour se plaindre, mais pour montrer leur fragilité, celle vers laquelle nous pourrions tous glisser un jour, allez savoir ?

Je te réponds semble vouloir nous faire comprendre que toutes les portes ne doivent pas être forcément claquées dans l’univers concentrationnaire. Travail d’une positivité et humanité déconcertante. Nous faire sortir de l’image terne et close que nous avons peut-être de la prison et des prisonniers. Comprendre. Les écouter peuvent, ici ou là apporter de nouvelles idées. Des idées plus justes. Vers lesquelles il ne serait pas si mal que nous tentions parfois de nous diriger ??

 

©  Lou Rambert Preiss

 

Je te réponds, texte et mise en espace de Pascal Rambert

Collaboration artistique : Pauline Roussille, Lou Rambert Preiss

Avec :  Cristy, Christine, Karim, Benjamin, Tyson et Jean Frigo

Coréalisation : Centre International de Créations Théâtrales / Théâtre des Bouffes du Nord, Festival d’Automne à Paris

Avec le soutien du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation, DRAC IDF et la Fondation de la Poste

Remerciements à Jean-Michel Gremillet, Maud Lahon, Anne-Laure Reveillard

Texte paru aux éditions Les Solitaires Intempestifs

Durée environ 1 heure

 

Les 3 et 4 décembre 2024

 

Théâtre des Bouffes du Nord

37bis, boulevard de La Chapelle

75010 Paris

Dans le cadre du Festival d’Automne 2024

www.festival-automne.com

 

 

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