À l'affiche, Critiques // Je suis un pays, écriture et mise en scène de Vincent Macaigne, Centre Dramatique National Nanterre-Amandiers, Festival d’Automne à Paris

Je suis un pays, écriture et mise en scène de Vincent Macaigne, Centre Dramatique National Nanterre-Amandiers, Festival d’Automne à Paris

Nov 29, 2017 | Commentaires fermés sur Je suis un pays, écriture et mise en scène de Vincent Macaigne, Centre Dramatique National Nanterre-Amandiers, Festival d’Automne à Paris

 ©  Mathilda Olmi

 

Comédie burlesque et tragique de notre jeunesse passée

 

ƒ Théodore Lacour

A l’arrivée dans le hall, le spectateur est interpellé – sa curiosité aiguisée : il attend aux sons des hymnes nationaux accompagnant des images déferlantes – on lui distribue des bouchons pour protéger ses oreilles, ça frémit dans les files d’attentes, jusqu’à ce que des comédiens surgissent telles des bombes pour annoncer la terrible nouvelle et indiquer la salle de Nanterre comme seul refuge au cataclysme qui vient d’arriver. Ici tout est mis en place pour créer « l’événement ».

On pénètre au sein d’un organisme international au décor surchargé, accueillis par un comédien chauffeur de salle comme dans les émissions télévisuelles et un set musical digne d’une boîte de nuit. Une énergie explosive est déployée aussi bien par des acteurs criant au milieu du public que par Vincent Macaigne en régie – hurlant. Energie qui ne s’arrêtera qu’à l’annonce de l’entracte au bout de deux heures d’une mise en scène d’un incroyable déploiement d’effets spéciaux, de genre et de situations mélangés, de personnages les plus incongrus et inattendus ; le tout construisant une sorte de non style entre champs de foire, science-fiction, show digne d’un concert de rocks stars à Las Vegas.

Inutile de le dire : il y a de la démesure dans Je suis un pays. Comme dans la fable sur laquelle le metteur en scène s’appuie (écrite par lui-même) pour développer son propos. On est balloté au pays des contes, des mythes, on entraperçoit des vierges Marie, des prophètes, Œdipe, des politiques, des minables, des présentatrices de reality show, des histoires d’adolescents, de Star Wars qui cohabitent. On passe de l’un à l’autre sans sourcilier, sans préparation et on ne s’y appesanti pas. Ce flux incessant construit ainsi un univers foisonnant jusqu’à l’écœurement – symbole d’un monde de reality show avide de toutes les émotions.

Le propos est emblématique d’une fin de monde, d’un espace d’entre deux. Vincent Macaigne dit lui-même «…, j’ai l’impression que mon travail devient un travail d’avant guerre… » de ce grand bouleversement que toute une génération semble attendre. D’ailleurs, la salle accueille une multitude de trentenaires enthousiastes et participatifs – tout en étant  rivés sur leurs téléphones portables – en train de prendre en image ce qui se déroule sous leurs yeux et d’en faire part – en live – aux copains des réseaux sociaux… On est au cœur de l’évènement !

Au bout d’un temps, on se demande bien si cette foule si enthousiaste assise dans les sièges de Nanterre et prête, au moindre signal, à répondre positivement aux injonctions au festif – cela même que le texte semble condamner au début du spectacle – réalise ce qui se dit et se trame sous ses yeux !

Et c’est bien là qu’il nous semble que cette proposition de Vincent Macaigne rate son virage en beauté. A vouloir sur-utiliser les outils d’un spectaculaire constant et foisonnant, à vouloir brouiller les pistes en mélangeant tous les styles, à vouloir en produire et en faire toujours plus ; le spectacle tombe dans une sorte d’ « entre soi branché » ; du « place to be – funky and funny » et plus du tout d’une dénonciation quelconque. C’est d’autant plus dommage que l’on sent bien le fil rouge qui sous-tend le travail et que l’on retrouve plus simplement abordé et plus abouti, dans le film « Pour le réconfort ».

Une lassitude s’empare du public dans la deuxième partie qui ne parvient pas à re-mobiliser l’énergie de tous… le texte traîne en longueur – il est lui aussi dans un trop plein qui n’arrive pas à en finir et à conclure. On regrette vivement que ce retour après évacuation de la salle ne soit pas l’occasion d’une réelle interrogation sur nos attitudes, nos envies, nos pensées pour un monde différent – ne soit pas comme un miroir tendu au public pour se regarder agir dans l’enceinte même du spectacle où l’on frissonne de voir cette foule se mettre en marche sans sourcilier à la demande de la comédienne/présentatrice, seule comédienne à s’en sortir avec brio dans ce chaos !

C’est bien dommage ! Parce qu’il est bon de découvrir l’énergie de ce travail, une sorte de liberté qui pourrait être anarchiste – il est bon de sentir cette vibration – cette sincérité d’un mouvement, d’une prise de conscience et d’un désir de réactions de tous. Qui condamnerait cela ? Mais nous craignons que la révolution telle qu’elle nous est proposée  s’arrête au bouton « publier » des téléphones portables connectés aux réseaux sociaux… On espère se tromper !

 

Je suis un pays

Ecriture, mise en scène, conception scénographique, visuelle et sonore Vincent Macaigne
Avec Sharif Andoura, Thomas Blanchard, Candice Bouchet, Thibaut Evrard, Pauline Lorillard, Hedi Zada et les enfants Madeleine Andoura, Lila Poult et Nina Béros (en alternance)

Durée 3h30 avec entracte

Déconseillé aux femmes enceintes et aux personnes épileptiques

Du 25 novembre au 8 décembre 2017
Mercredi, jeudi et vendredi à 19h30
Samedi à 18h30 et dimanche à 15h30

Centre Dramatique National de Nanterre – Amandiers
7 avenue Pablo-Picasso
92022 Nanterre Cedex

Réservation : 01 46 14 70 00 – www.nanterre-amandiers.com

Festival d’automne à Paris

Réservation : 01 53 45 17 17 – www.festival-automne.com

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