© Fabienne Rappeneau
ƒƒƒ article de Corinne François-Denève
Il n’y a à cela aucun doute : dans quelques semaines, quelques mois, Roukiata Ouedraogo sera sur toutes les ondes, sur tous les écrans, estampillée « humoriste du moment ». Elle est déjà présente à la radio, sur France Inter, dans l’émission Par Jupiter ! C’est évidemment tout le mal qu’on lui souhaite (et qu’elle fréquente assidument Nagui, vous comprendrez en allant la voir). Mais il y a chez Roukiata Ouedraogo bien plus que le sens de la punchline facile propre aux chroniqueurs à la mode. Son premier spectacle, consacré à la fondation du royaume mossi et à la naissance de son nom, ne s’intitulait-il pas Yennenga, l’épopée des Mossé ?
Je demande la route est l’autobiographie théâtrale de cette princesse, née au Burkina et arrivée en France à la vingtaine. Au public, elle confie ses tribulations, de sa chambre de bonne minable aux planches du Théâtre de l’Œuvre, en passant par le cours Florent. Une succession de sketches bien rythmés la présente en caissière trop compassionnelle, en nounou chantante, en maquilleuse de Château-Rouge. « Truculente », pleine de verve, elle l’est certainement, incarnant une série de personnages fort en gueule et haut en couleurs, perchée sur d’improbables cothurnes (mais si, mais si, on était au premier rang, on a vu, quoi) et cintrée dans une très jolie robe. Par moments, et c’est attendu, le propos se teinte de saillies « sociétales » – racisme, exploitation, mondialisation. L’écriture est dense et intelligente, et jamais racoleuse : la partie sur l’excision, ainsi, réussit à émouvoir et à questionner. Quant à savoir si on peut rire de stéréotypes culturels, il en est sans cesse question, l’autrice se livrant par exemple à une imitation de Michel Leeb imitant… quoi au fait ?
Le plateau est dépouillé ; trois petites souches de bois, de l’eau, une lampe – c’est peut-être un peu facile, mais c’est aussi (enfin) très simple. Lorsque l’actrice tombe le masque de la comique (« Tombe le masque » était le titre de la première version du spectacle), une véritable poésie affleure, entre hommages aux anciens, aux mères, à une terre lointaine – un peu de Sotigui Kouyaté chez Vivendi, ou chez Lugné-Poe – finalement, tout cela prend sens. Une « humoriste » qui fait sens et donne du sens, un conte plus qu’un sketch : c’est sans doute cela, le « je demande la route » (et on espère qu’elle ne le demande pas trois fois, et qu’elle nous reste, surtout, encore).
© Fabienne Rappeneau
Je demande la route de Roukiata Ouedraogo et Stéphane Eliard
Avec Roukiata Ouedraogo
Mise en scène : Stéphane Eliard
Collaboration artistique : Ali Bougheraba
Du 30 janvier au 24 avril 2019 : les mercredis à 21 h
Durée 1h20
Le Théâtre de l’Œuvre
55 rue de Clichy
75009 Paris
Renseignements 01 44 53 88 88
https://www.theatredeloeuvre.com
Tournée
Samedi 2 Mars 2019 À 20h30
Cornillon-Confoux (13) – Espace Pièle
Vendredi 8 Mars 2019 À 20h30
Sainte Geneviève Des Bois (91) – Salle Gérard Philipe
Vendredi 15 Mars 2019 À 21h
Villeneuve Saint-Georges (94) – Sud Est Théâtre
Mardi 26 Mars 2019 À 20h30
Liverdun (54) – Centre Didier Bianchi
Samedi 25 Mai 2019 À 20h45
Palaiseau (91) – Théâtre De La Passerelle
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