Critiques // Critique • « J’ai couru comme dans un rêve » au Théâtre de l’Atalante, mise en scène Igor Mendjisky

Critique • « J’ai couru comme dans un rêve » au Théâtre de l’Atalante, mise en scène Igor Mendjisky

Avr 12, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « J’ai couru comme dans un rêve » au Théâtre de l’Atalante, mise en scène Igor Mendjisky

Critique d’André Antébi

Une jeune compagnie, une création collective, des acteurs issus du conservatoire et un sujet aussi lourd que la mort, pas de doute nous sommes bien à Paris en 2011. Non pas que le collectif et la troupe soient des phénomènes nouveaux. Mais que ces compagnies trouvent enfin leur place dans les programmations parisiennes l’est beaucoup plus.

Ce constat passé, rajoutons qu’il est de bon augure pour la scène française de voir ce théâtre émerger et toute une génération s’engager dans la voie du collectif [lire notamment notre article sur « Robert Plankett » par le collectif La vie Brève +]. Et si les thèmes sont lourds en effet, si l’approche parfois naïve de ces sujets laisse songeur, ce que l’on retient avant tout c’est la vitalité de ces spectacles, la générosité de ces troupes et la palpable nécessité de travailler ensemble.

© Ghislain d'Orglandes

La compagnie Les Sans Cou présente au théâtre de l’Atalante « J’ai couru comme dans un rêve », une création collective mise en scène par Igor Mendjisky. Je ne m’étendrai pas trop longtemps sur la contradiction entre l’idée du collectif et la désignation d’un metteur en scène tant la pratique s’est figée sur ce modèle, à l’exception notable du TG Stan. Ici le comédien occupe une place entière dans le processus de création. Il n’est pas l’exécutant d’une vision mais l’auteur même du projet. Cet engagement est palpable, intégré à la pièce et implique tous ceux présents dans la salle.

Dans ce spectacle, la troupe aborde le sujet de la mort à travers la situation désespérée du protagoniste. Martin, un jeune trentenaire apprend dans la même journée qu’il ne lui reste plus que quelques jours à vivre et que dans presque neuf mois il sera l’heureux papa de l’enfant que porte sa femme adorée.
Face à ces deux nouvelles apprises coup sur coup un choix s’offre à Martin. Mourir immédiatement, se résigner, s’apitoyer, ou vivre pleinement ses derniers instants en cherchant ce que l’on veut vraiment faire de sa vie.

La simplicité et la naïveté de cette alternative ferait sourire si l’on devait s’imaginer cette situation dans la vie réelle. Mais la compagnie Les Sans Cou se place d’emblée sur le terrain de la poésie et de la parabole. Car ce n’est pas la question de la mort qui est ici en jeu, mais plus largement celle du choix et de l’engagement.

Et cette question est abordée sans moralisme, avec une admirable générosité, un décalage permanent, une distorsion entre rêve et réalité, entre le rire et les larmes. Bref, avec une prise de risque extraordinaire tant elle place les comédiens sur un fil tout au long du spectacle.

© Ghislain d'Orglandes

D’abord, les acteurs improvisent en permanence. Le texte n’est pas écrit, ils suivent un canevas précis mais qui laisse une part importante aux imprévus, aux rencontres, à la vie sur le plateau. La liberté des comédiens sur scène est jouissive.

Cette liberté s’exprime ensuite par un perpétuel aller-retour entre délires clownesques et l’expression d’une émotion débridée, exacerbée. Souvent l’humour, la distance, la rupture permet à l’effusion de sentiments de ne pas tomber dans un pathos toujours en embuscade. L’influence de Wajdi Mouawad dont se revendique la troupe est là et nous rappelle que l’émotion est permise au théâtre et n’est pas l’ennemie de la distance et du rire.

Enfin le rapport au public est très bien pensé. Dès les premiers instants les comédiens (mention spéciale à Romain Cottard) place la salle dans l’intimité d’une séance de prise de parole, leur approche vraisemblablement du travail à l’aurore de leur création. Le public complice suit sans difficultés et avec attention pendant les trois heures que dure ce spectacle les chemins sinueux empruntés par Martin vers l’inéluctable. Jamais ce lien ne se perd.

Cette troupe est promise à un bel avenir, après son « Hamlet » au théâtre Mouffetard, elle continue son chemin pour quelques semaines encore au théâtre de l’Atalante. À voir absolument.

J’ai couru comme dans un rêve
De : la Cie Sans Cou (création collective)
Mise en scène : Igor Mendjisky
Avec : Clément Aubert, Romain Cottard, Paul Jeanson, Arnaud Pfeiffer, Eléonore Joncquez Simon, Esther Van Den Driessche et Fréderic Van Den Driessche
Costumes : May Katrem
Lumières : Thibault Joulié
Chorégraphie : Esther Van Den Driessche

Du 6 au 25 avril 2011
Théâtre de l’Atalante
10 place Charles Dullin, Paris 18e
M° Abbesses — Réservations 01 46 06 11 90
www.theatre-latalante.com

Les  7 et 8 Janvier 2012 à 16h et le 9 janvier à 18h
Théâtre Gérard Philipe – CDN
59 boulevard Jules Guesde, 93 207 Saint-Denis
Métro Saint-Denis Basilique — Réservations 01 48 13 70 00
www.theatregerardphilipe.com

www.lessanscou.com

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