ƒ article de Florent Mirandole
Comme des enfants grondés par leur père, une poignée d’adultes assis sur un banc baisse la tête. A mesure que les mots prononcés par l’homme devant eux, assis sur un trône bricolé, leur tombent dessus, ils tremblent, tombent par terre et finissent par se recroqueviller sur eux-mêmes. L’homme qui détient un tel pouvoir est un homme politique. Pendant une heure et demie, il va déverser sur son peuple un déluge de paroles qui ne semble au final n’avoir d’autres justifications que de légitimer sa reconduite à la tête de l’Etat. Les danseurs, hésitants entre fascination et terreur, révolte et soumission, accompagnent le personnage par une série de danses incarnant les remous du peuple.
Si le metteur en scène congolais André Ouamba a créé une pièce résolument politique, il a décidé de ne pas pointer du doigt tel ou tel chef d’Etat africain. Le personnage politique qu’incarne l’acteur Wakeu Fogaing est tous les chefs d’Etat africains adeptes du bricolage constitutionnel à la fois. Ce qu’a voulu montrer André Ouamba, c’est le gouffre entre la parole et l’action politique, et au final la perte de sens du discours. Au milieu des promesses et des lendemains qui chantent, le texte écrit par Wakeu Fogaing lui-même appelle inlassablement la nécessité d’un chef à la tête de l’Etat. Si « l’espoir n’est plus un rêve » affirme-t-il, le peuple doit encore être conduit par un « guide ». Utilisant subtilement la psychologie des foules, le discours alterne entre menace et affection, intimidation et séduction. Le discours en devient même drôle à force d’emphase. Expliquant que les rêves de son peuple ont besoin d’être mis sur des rails, le dirigeant affirme être « le train de [leur] rêves ». La litanie d’explications finit invariablement par justifier le changement de constitution, dont le mot conclut chaque passage.
La mise en scène d’Andréya Ouamba, solidement accompagnée par la trompette parfois tonitruante d’Aymeric Avice, se révèle particulièrement efficace pour faire ressortir l’hypocrisie et la manipulation de ces discours. « J’ai arrêté de croire au futur… » n’est malheureusement pas aussi animée côté danse. Alors que l’acteur principal pérore sur les besoins de son peuple, la petite troupe est censée incarner les luttes et les conflits qui se jouent au sein du peuple. Mais la troupe n’arrive pas à apporter cette intensité supplémentaire qui ferait de « J’ai arrêté de croire au futur… » une véritable pièce coup de poing, contrainte d’occuper la scène pendant que le « guide » la hante.
« J’ai arrêté de croire au futur… »
Concept & mise en espace Andréya Ouamba
Compositeur & musicien Aymeric Avice
Scénographie Jean-Christophe Lanquetin
Création lumières Cyril Givort
Costumes Hélène Meyssirel
Assistant scénographe Ikhyeon Park
Avec Clarisse Sagna Fanny Mabondzo Aicha Kaboré Marcel Gbeffa Jean-Robert Koudogbo & le comédien et auteur Wakeu FogaingDu 14 au 18 octobre 2015
Théâtre des Abbesses
31, rue des Abbesses – 75018 Paris
réservation 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
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