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Iphigénie, de Jean Racine, mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig, Odéon Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier

Sep 27, 2020 | Commentaires fermés sur Iphigénie, de Jean Racine, mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig, Odéon Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier

 

© Simon Gosselin

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

Iphigénie. Celle de Jean Racine, à l’Odéon. Une idée venue à Stéphane Braunschweig, début avril, au tout début d’une longue période où les idées noires, les doutes, la peur allaient joyeusement valser en tous sens, se persuader ici où là, se mettre à croire que. Une période fort dense pour s’approcher d’Iphigénie. Et pour en tirer un moment qui très vite attrape le spectateur, lui fait oublier toute ineptie difficile à saisir du théâtre aujourd’hui, comme ces petits micros magiques, qui déforment les voix, transforment le son, applaudissent le chuintement. Sans doute mille explications technico-magiques pour tout ça, mais depuis la salle, le « sublime » s’installe moins vite.

Le public est face à face, séparé par une longue scène. Devant nous, la mer, splendide et délicate, mais plate, bien sûr. Pour être honnête, je ne trottinais pas joyeusement vers Racine. Le tout début ne m’emporte pas, voisins bavards, etc. Je me dis que deux heures… et soudain, comédiens et comédiennes devant nous saluent. Deux heures fortes sont passées, des moments se sont succédés, nous montrant ce à quoi Agamemnon, Achille, Ulysse, Clytemnestre, Ériphile entre autres et sans compter Iphigénie, bien entendu ont été confrontés, terriblement, par un désir des dieux transmis secrètement par Calchas : qu’Iphigénie soit sacrifiée, que son sang coule et permette au vent souffle à nouveau, que les navire quitte Aulis et que Troie, bientôt anéantie, tremble. Les uns à la suite des autres, s’affrontant, acceptant ou au contraire souhaitant s’unir pour organiser la fuite, montrant l’effroi, la douleur, l’effarement ou la trahison. Sans aucun doute, nous connaissons l’histoire, les thèmes qu’elles promène, les inspirations qu’elle a semé. Là, face à des chaussures trop cirées, tout est beau, net. Et tout nous entraîne, devient idée, images, violence évidente. Stéphane Braunschweig nous offre deux heures, deux heures qui nous font penser, qui nous donnent envie de monter sur scène, pour soutenir Iphigénie. Sentiments, idées, réflexions. Que devenons-nous face à une vie facile et évidente, simple et qui soudain se casse la figure ? Iphigénie nous montre que nous n’en savons rien. Que face à la noirceur les têtes se baissent ou s’élèvent, les mains se serrent ou giflent. Iphigénie c’est un peu le bon moment de la (re)découvrir.

Et certes les thèmes, les idées… Nous pourrions en parler des heures et philosopher non-stop, ça fait du bien et ce n’est pas bête.  Mais les façons de nous offrir ces thèmes et ces idées, ces façons de nous « montrer » ce qui arrive, de nous faire ressentir. La niaiserie est aussi absente que le trop fort : il y a juste du vivant qui tente de saisir la vérité, de s’en sortir aussi bien que possible.

On pourrait applaudir ici tel ou tel grand rôle, avec sincérité et joie, vraiment. Mais celui d’Ægine marque énormément, pas un mot, juste quelques-uns, presque de trop tout près de la fin. Cette comédienne (Ada Harbou Clémentine Vignais, l’alternance est victorieuse chaque soir pour tous les rôles) est une ombre portant la douleur de Clitemnestre, elle nous fait ressentir ce trop-plein, nous montre que la reine d’entre les reines, la mère, ne peut tout exposer et qu’elle, fidèle, l’accompagne et la soutient. C’est splendide. Vraiment.

Le résultat ? des applaudissements pas assez longs. Oui, Racine nous jette en pleine face, grâce au travail de Braunschweig et de toute son équipe un « lis ! regarde ! vis ! », nous, ce public plongé non-pas dans ces eaux calmes mais dans suite de douleurs, d’errances, de questions et de doutes. Iphigénie qu’on remercie pour tout ce qu’elle dépose devant nous, à nos pieds, Iphigénie qui reviendra vers nous, très souvent. « Lis ! regarde ! vis ! »

 

© Simon Gosselin

 

 

Iphigénie, mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig

Collaboration artistique Anne-Françoise Benhamou
Costumes Thibault Vancraenenbroeck
Lumière Marion Hewlett
Son Xavier Jacquot
Vidéo Maïa Fastinger

 

Avec (en alternance*)
Agamemnon
Claude Duparfait
Jean-Philippe Vidal
Achille
Pierric Plathier
Thibault Vinçon
Ulysse
Sharif Andoura
Jean-Baptiste Anoumon
Clytemnestre
Anne Cantineau
Virginie Colemyn
Iphigénie
Suzanne Aubert
Cécile Coustillac
Ériphile
Lamya Regragui Muzio
Chloé Réjon
Arcas
Jean-Baptiste Anoumon
Thierry Paret
Eurybate
Glenn Marausse
Pierric Plathier
Thibault Vinçon
Ægine
Ada Harb
Clémentine Vignais
Doris
Astrid Bayiha
Clémentine Vignais

*Le détail de l’alternance est disponible sur la billetterie en ligne

 

Création

Du 23 septembre au 14 novembre 2020

 

Horaires
Du mardi au samedi 20 h, le dimanche 15 h

Relâches le dimanche 27 septembre, les 11, 25 et 31 octobre et le 1er novembre

Durée 2 h 10

 

Odéon-Théâtre de l’Europe 
Ateliers Berthier

1, rue André Suares
Paris 17e

 

Location
+33 1 44 85 40 40 / www.theatre-odeon.eu

 

 

 

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