Critiques // Innocent.e.s, écrit par Guillaume Cayet, mise en scène par Fleur Sulmont, MC 93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (représentation dans les lycées de Seine-Saint-Denis)

Innocent.e.s, écrit par Guillaume Cayet, mise en scène par Fleur Sulmont, MC 93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (représentation dans les lycées de Seine-Saint-Denis)

Jan 17, 2020 | Commentaires fermés sur Innocent.e.s, écrit par Guillaume Cayet, mise en scène par Fleur Sulmont, MC 93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (représentation dans les lycées de Seine-Saint-Denis)

 

© Michael Monnin

 

ƒƒ article de Garance

Innocent.e.s, c’est un retour dans le passé. Dans différents passés. Mais avant tout le souvenir de cette anxiété qui nous prend lorsque le professeur rend la correction des contrôles. Début immersif, expérience singulière, nous écoutons avec attention le professeur d’histoire géographie lire les annotations des copies. Puis l’une d’elles est prise pour cible par son fond politique, celle de Louise, presque vide avec pour seul contenu : « Nous devrions déjà nous décoloniser avant de parler des anciennes colonies. Ne rien dire. Ne rien faire. C’est déjà un crime.» Tout part d’une anecdote, dans le bus Louise assiste à un contrôle, un délit de faciès. Expérience violente pour elle, s’improvisant inspectrice elle mènera son enquête à bras le corps.

Il s’agit d’un défi houleux pour les comédiens. Le cadre scolaire rajoute une épine dans le pied, les élèves sont dans leur zone de confort, prête à dévorer les artistes. Le public (jeunes lycéens) ne va pas au théâtre, ne connaît pas les codes, prêt à tout sauf à l’écoute. Il s’avère que le sujet choisi n’est pas facile, trop complexe et dense. Cependant le silence se fait ressentir. D’abord scolaire, le sujet de la colonisation/décolonisation historique est mal reçu et soudain l’enquête acharnée (amenée avec énergie par les comédiens) impose le calme (par envie de comprendre ou par incompréhension). Le lien est fait entre l’esclavagisme historique et moderne. Alors les esprits s’ouvrent prêt à la réflexion. Le ton est donné mais le terme « d’esclavagisme » paraît poussiéreux, oublié, et puis on fait référence aux colonies (vues au cours de l’année avec les professeurs) et enfin la nouvelle formule le « néolibéralisme ». La preuve est évidente l’esclavagisme n’a pas disparu il a juste muté vers une forme occulte et malheureusement plus acceptée socialement. Il existe donc une persistance coloniale souterraine des nations/états riches envers les pays en développement. Le racisme apparaît alors sous une forme institutionnalisée, systémique. L’historien, selon Walter Benjamin semblable à un chirurgien, a pour rôle d’opérer, de faire une autopsie historique pour démêler le présent du passé. Cependant la conclusion est telle que si les rapports entre les états ne sont pas « cautérisés » la plaie reste en putréfaction et l’histoire en est alors entachée, modelée selon les envies. Le passé est mêlé, confondu au présent qui ne saurait s’en défaire. Vient alors la question de la responsabilité de l’Éducation nationale sur la sélection de ce qui sera ou non enseigné. Cette sélection même consiste en une subjectivité bien consciente de ce qui sera ou non dévoilé. Le point de vue est d’ores et déjà aliéné.

La forme, partiellement mise en abyme, permet aux comédiens de faire des arrêts, de prendre conscience de leurs jeux et du récit afin de le modifier. Cela fait appel à un écho positif pour le présent. En effet malgré le défaitisme de certaines nouvelles générations, il est ici démontré que chaque destin peut être reconstruit et remanipulé afin de s’extirper d’un conditionnement démoralisateur. Néanmoins les supports (portrait utilisé pour du théâtre d’objet) manquent à l’appel, certes les moyens techniques ne peuvent pas être déployés au maximum étant donné qu’il s’agit de classes non équipées cependant d’autres support aurait pu être utilisés (musique, vidéo, accessoires) sans tomber dans une exposition de la panoplie du « bon comédien ». De plus le sujet reste assez complexe et sinueux pour des lycéens.

 

 

Innocent.e.s, écrit par Guillaume Cayet

Mise en scène Fleur Sulmont

Avec Aurélia Lüscher, Emmanuel Matte

Une action financée par la Région Île-de-France

 

Du 13 au 17 Janvier et du 27 au 31 Janvier 2020

Innocent.e.s part en tournée pour 16 représentations dans les lycées de Seine-Saint-Denis du 13 au 17 janvier et du 27 au 31 janvier

Bobigny : Lycée Louise Michel et Lycée Alfred Costes

Drancy : Lycée Eugène Delacroix

Bondy : Lycée Jean Renoir

Bourget : Lycée Germaine Tillion

 

MC93 — Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
9 boulevard Lénine
93000 Bobigny

 

Réservation 01 41 60 72 72

www.mc93.com

 

 

 

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