À l'affiche, Critiques // Infidèles, spectacle de tg STAN et de Roovers, d’après Ingmar Bergman, au Théâtre de la Bastille, Festival d’Automne à Paris

Infidèles, spectacle de tg STAN et de Roovers, d’après Ingmar Bergman, au Théâtre de la Bastille, Festival d’Automne à Paris

Sep 13, 2018 | Commentaires fermés sur Infidèles, spectacle de tg STAN et de Roovers, d’après Ingmar Bergman, au Théâtre de la Bastille, Festival d’Automne à Paris

© Stef Stessel

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

 

Les histoires de désamours finissent mal en général. Tg STAN le sait et s’en amuse, explore de nouveau et avec la même acuité le couple. Mais c’est chez Ingmar Bergman qu’il puise ici son matériau. Plus précisément Infidèles, un scénario de 1997, et Infidèle (2000) le film de Liv Ullmann inspiré du même. S’ajoute l’autobiographie de Bergman, Laterna magica. Evidemment c’est toujours un peu plus compliqué avec cette compagnie belge qui depuis dix-sept ans occupe régulièrement et pour notre plus grand bonheur le Théâtre de La Bastille. Et pour ceux qui ignore tout de Bergman, il y en a, qu’importe. Demeure l’objet de cette création, l’adultère. Ou plutôt non, l’occasion sans doute de découvrir un cinéaste et un homme dont l’écriture au scalpel, tranchante, révèle la complexité d’un auteur et cinéaste dont le matériau premier était la vie, la sienne et celle de ses acteurs. Et c’est cette écriture corrosive, incisive et théâtrale, cette dissection féroce d’un adultère et de ses conséquences que tg STAN met en scène avec jubilation et rouerie intelligente. Avec toujours cette distance heureuse, volontaire et affichée, cet art de dénoncer la théâtralité, la mettre en abyme, ce processus malin qui engage de fait le spectateur, témoin attentif d’une création en cours d’élaboration, lui ôtant toute empathie pour lui aussi le mettre à distance des faits exposés, le préserver de tout jugement. Pour exemple cette scène comme un rappel à l’ordre, entre Marcus et sa fille Hélène (Jolente de Keersmaker) où ce qui est énoncé est au-delà de la violence. A peine a-t-on frémi de tant d’atrocité, que Jolente de Keersmaker sortant de scène en adresse au public dit ceci «  cette scène n’a jamais eu lieu. » Pan sur le bec ! Cette distance c’est lui donner en somme une sacrée liberté loin de tout aveuglement cathartique. Ce « si magique » annoncé d’emblée, dont ils sont passés maîtres et qui donne à voir sans jugement et  légèreté, pour ne pas dire une ironie corrosive, les méandres tortueux d’une humanité au final, du moins ici, peu reluisante sous le fard affichée des convenances. De mettre à nu et sans artifice la complexité et l’imprévisibilité des relations humaines dont l’amour serait en quelque sorte le maître-étalon. Et d’amener exactement les spectateurs devenus complices souvent hilares de leur propre manipulation au centre de l’œuvre et de ses enjeux. Infidèles où l’histoire d’un couple donc, parfait et idéal en apparence. Pas de passion véritable entre ces deux-là, Marcus (Robby Cleiren) et Marianne, mais une entente cordiale. Et puis de la part de Marianne, c’est le nom du personnage que prend Ruth Becquart semblant improviser là devant nous à la demande de Frank Vercruyssen, un coup de canif dans le contrat. Avec de bien entendu le meilleur ami du couple, David (Frank Vercruyssen). Un petit jeu qui aurait dû être sans conséquence, suivi d’un un premier mensonge, mais qui très vite emporte ces trois et ravage tout, amours et amitiés. Entre mensonge et manipulation, destruction, c’est d’une perversion et d’une cruauté absolue. Ce qui commence comme un vaudeville, et des plus mauvais, c’est eux qui le disent, se termine en tragédie. Les faux-semblants, les petits arrangements, explosent. Il ne reste bientôt plus que ruine, amertume. Et solitude blessée. Au jeu de la vérité chacun est sa propre dupe. Pas pour rien qu’Infidèles prend un S. tg STAN et de Roovers associés pour ce jeux de massacre exhausse le texte de Bergman dont il livre toute la saveur toxique. Portrait de Bergman en creux, sans doute, peut-être, mais surtout une formidable et féroce analyse de la confusion des sentiments amoureux. Encore une fois tg STAN innerve le plateau d’un épatant et double moment de vie. Celle de comédiens s’emparant d’une écriture et d’un plateau, composant devant nous leur personnage, élaborant la mise en scène, à vue, aussi à nu que les personnages qu’ils dépiautent, décortiquent pour leur insuffler une vitalité et une profondeur, une humanité même cruelle, même lâche, même perdue où la lucidité arrive toujours trop tard. Parce que l’amour rend aveugle et révèle le meilleur comme le pire.

 

Infidèles

Spectacle de tg STAN et de Roovers

D’après le scénario Infidèles et l’autobiographie Laterna Magica d’Ingmar Bergman

De et avec Ruth Becquart, Robby Cleiren, Jolente de Keersmaker, Frank Vercruyssen

Costumes  An D’Huys

Lumières  Stef Stessel

Technique tg STAN et de Roovers

Régisseur Bastille Mathieu Bouillon

 

Du 10 au 28 septembre 2018 à 20h

Dimanche 23 à 17h.

Relâche les 12, 15, 16 et 22 septembre

 

Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette

75011 Paris

Réservations 01 43 57 42 14

www.theatre-bastille.com

 

Tournée 2019

10/01/19 Théâtre de Rungis

16/01/19 Théâtre-Studio Alfortville

08-09/02/19 Théâtre Joliette Minoterie-Marseille

20-23/02/19 Théâtre Les tanneurs-Bruxelles

26-27 /02/19 Théâtre de Lorient

14-15/03/19 Théâtre Alibi-Bastia

28-29/03/19 CDN Orléans

03-06/04/19 Comédie de Genève

25-26/04/19 La passerelle Saint-Brieuc

 

 

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