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If you could see me now, chorégraphie d’Arno Schuitemaker, à l’Espace 1789 – Saint-Ouen / Festival Séquence Danse

Avr 17, 2023 | Commentaires fermés sur If you could see me now, chorégraphie d’Arno Schuitemaker, à l’Espace 1789 – Saint-Ouen / Festival Séquence Danse

 

© Sanne Peper

 

ƒƒ article de Nicolas Thevenot

Avec Arno Schuitemaker, et par sa pièce If you could see me now, la danse est affaire d’ondulation. Si l’on veut bien emprunter au champ lexical scientifique, c’est bien à une physique ondulatoire plus que corpusculaire à laquelle on assiste pendant une heure toute hypnotique. Les corps des trois danseurs, deux hommes et une femme, déjà en scène à notre arrivée, déjà remués par l’entêtante musique techno de Wim Selles nous accueillant tel un dance floor que l’on pénétrerait, sont mués par le rythme et l’énergie de l’onde sonore qui enveloppe la salle. La forme ainsi performée s’empare de la danse de boite (le dance floor) immédiatement reconnaissable, déhanchement répété, prédominance des mouvements de bras entrainant le torse, portés par une musique sans discontinuité se muant imperceptiblement dans ses révolutions. Avec ce miroir d’une expérience partagée par tout un chacun, If you could see me now opère dans son entame par un processus d’identification, mais, par sa durée, par son dépliement à l’infini, nous entraine bien au-delà du souvenir anecdotique de nuit branchée. La puissance de cette expérience, recouvrée en chacun avec une saveur toute proustienne, tient à l’agrandissement à l’infini de l’instant, à l’incommensurable dilatation d’une sensation fugace par sa réplication inépuisable. C’est proprement la jouissance de l’instant arraché au récit du temps. On touche ici à l’hédonisme qui n’est peut-être que cela : la beauté d’un temps pour soi, ressassant sans limite son seul plaisir d’être.

Trois est le nombre d’or offrant à la fois profondeur et largeur à l’espace. Et si les trois danseurs apparaissent initialement dans un ordre donné, cet ordre-là est bousculé par des inversions aussi subtiles et magiques qu’un jeu de bonneteau, chacun glissant insensiblement de position. Et si chaque danseur est animé de mouvements qui lui sont propres, réalisés dans la singularité des corps qui les exercent, on se délecte véritablement, comme d’une offrande inattendue, à les voir par moment s’approcher d’un unisson, aussi miraculeux que l’atteinte d’une impossible asymptote.

La danse serait un ballotement, serait la matérialisation visuelle et tangible d’invisibles forces auxquelles les corps sont soumis. Dans cette boite aux hautes parois grises qui composent l’espace scénographique de If you could see me now, telle celle de Schrödinger, dont on rappelle qu’elle mettait en scène comment l’action de voir n’est pas sans effet sur ce qui est vu, dans cette scénographie également travaillée par des lumières segmentant le temps par stroboscopie, changeantes comme un éther orageux, les danseurs sculptent le rythme et l’air qui deviennent matière, se déploient comme des roseaux soumis aux vents contraires, comme des algues battues et rebattues par le ressac de cet mer qui les porte. La résilience qui les anime est celle du souffle des corps, ce principe de vie, cet unisson qui forme une communauté de destin pour eux comme pour nous, spectateurs bien installés dans nos fauteuils.

 

© Sanne Peper

 

If you could see me now, chorégraphie de Arno Schuitemaker

Avec : Revé Terborg, Stein Fluijt et Johannes Lind

Dramaturgie : Guy Cools

Musique : Wim Selles

Création lumières : Vinny Jones

Costumes : Inge de Lange

 

Durée : 55 minutes

 

Vu le mardi 11 avril 2023 à 20h dans le cadre du Festival Séquence Danse

 

 Espace 1789

2/4 rue Alexandre Bachelet

93400 Saint-Ouen

 

Réservations : 01 40 11 70 72

https://www.espace-1789.com

 

 

 

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