© Christophe Raynaud de Lage
ƒƒƒ article de Jean Hostache
Déjà grand passionné de la modernité empreinte dans l’œuvre du célèbre auteur norvégien, Simone Stone réitère son amour pour Ibsen en proposant une écriture inédite inspirée de plusieurs pièces, et signe un véritable chef d’œuvre.
C’est effectivement un coup de maître, aussi fort que le mistral qui s’abat sur la cour du Lycée Saint-Joseph, que réalise le jeune et talentueux metteur en scène australien. On l’avait déjà vu avec Medea présenté il y a un mois à peine au Théâtre de l’Odéon. Avec Ibsen Huis, c’est une proposition tout aussi radicale qui nous transperce. Travaillant autour d’écritures de plateau, il revisite ici différentes pièces d’Ibsen comme matériaux pour la création, afin d’en extraire un suc délicieusement riche, et vient bâtir, en bon architecte de la scène, une dramaturgie complexe ouvrant un éventail de lectures infinies.
Au centre de la scène trône une maison construite comme un kit. Elle est dans la fiction la maison de vacances de la famille Kerkman, elle est la maison-mère, elle est le personnage principal de la pièce. Pour en dire d’avantage sur cette scénographie magnifique et tout à fait ingénieuse, la maison, toute construite de baies vitrées, invite – nous les curieux et les voyeurs venus au théâtre – à passer au travers de la transparence de ces immenses murs de verres, et à nous plonger dans l’opacité intime et la noirceur des drames familiaux qui se jouent sous nos yeux. La maison s’élève sur un plateau tournant qui manipule notre attention et notre regard, rythme à la perfection les séquences, reconstruit en permanence l’espace de la scène, et permet de démultiplier ou de jouer simultanément des scènes dans les différents espaces de la maison.
La pièce balaye un siècle d’histoire, et bien des générations aux regards croisés, au sein de la famille Kerkman. En passant d’une époque à une autre, par le biais d’ellipses qui nous mettent sous haute tension tout au long de la représentation, on constate rapidement la tragédie qui se prépare, grandit et qui se répète inéluctablement pour venir à la ruine de cette cellule familiale. Une hérédité faite de traumatismes qui interroge le spectateur sur la question de nos choix, de nos actions et de leurs conséquences. Comment un individu bâtit son identité, malgré le marasme familial ? Peut-il en sortir indemne ? A toutes ces questions qui touchent au plus profond du psychisme humain et à la construction d’un être, Simon Stone puise dans la richesse d’Ibsen pour en sortir une réécriture tout à fait contemporaine et pertinente. A cela s’ajoute des enjeux politiques brûlant d’actualité que Stone amène très bien sur scène et qui ressuscitent, aux couleurs de notre époque, les dilemmes éthiques qui font l’histoire d’Un ennemi du peuple.
En plus d’une mise en scène remarquable soutenue par un décor éblouissant d’intelligence, parlons à présent des interprètes. Ils sont littéralement des champions de la scène, criant la justesse, et gardant une intensité démente malgré le marathon (immense mais qui néanmoins passe à toute vitesse) qu’est ce spectacle.
Il s’agit là, sans nul doute, d’une des pièces les mieux choisies du Festival, apportant une certaine accessibilité faisant respirer la programmation, et reçue enfin par le public avec une sincère exaltation.
Ibsen Huis
Texte et mise en scène Simon Stone
Dramaturgie et traduction Peter van Kraaij
Musique Stefan Gregory
Scénographie Lizzie Clachan
Lumière James Farncombe
Costumes An D’Huys
Assistanat à la mise en scène Nina de la ParraAvec Claire Bender, Janni Goslinga, Aus Greidanus jr., Maarten Heijmans, Eva Heijnen, Hans Kesting, Bart Klever, Maria Kraakman, Celia Nufaar, David Roos, Bart Slegers
Du 15 au 20 juillet 2017 à 21h (relâche le 17 juillet)
A la Cour du Lycée Saint-Joseph
62 rue des Lices, 84000 Avignon
Réservations au 04 90 14 14 14
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