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Hollywood Boulevard, mise en scène de Franck Berthier, à la Comédie de Picardie

Déc 15, 2017 | Commentaires fermés sur Hollywood Boulevard, mise en scène de Franck Berthier, à la Comédie de Picardie

© Mathilde Daudet

ƒ article de Denis Sanglard

Hollywood Boulevard mise en scène de Franck Berthier se veut une interrogation sur le système hollywoodien, la fabrique d’une star au service d’une industrie tout à la fois usine à rêves, illusions et fantasmes, également machine à broyer ceux-là même qui la servent. Deux sources d’inspiration pour les comédiens – il s’agit d’une écriture collective – Sunset Boulevard (Billy Wilder, 1950) et Opening Night (John Cassavettes, 1977), dont ils tirent les fils pour une œuvre fragmentée, un drôle de puzzle à vrai dire, où se croisent légende oubliée, jeune actrice en star déboussolée, producteur pygmalion, réalisateur-scénariste sur la touche et fauché. Ajoutons une échotière vipérine pour relier l’ensemble quelque peu et malgré tout décousu. Très vite on ne tarde pas à jouer au jeu de qui est qui. Là on reconnait certes Norma Desmond, le personnage incarné par Gloria Swanson ancienne star du muet,  ici – incontournable – Marylin Monroe. Mais on pourrait y ajouter d’autres visages, la liste est longue des victimes des studios hollywoodiens. Mais de Gena Rowlands, de son personnage Myrtle Gordon, indissociable d’Opening Night, on cherche en vain la trace. Seule la commère Hedda Hopper garde son nom. C’est le destin de ces deux actrices, mis en parallèle et finalement identique, l’un préfigurant l’autre, auquel plus particulièrement il est fait référence. On ne naît pas star, on vous fabrique, c’est une construction réfléchie au service d’une industrie essentiellement masculine dont les critères, pour ne pas dire les fantasmes, obéissent à des normes bien précises. Glamour, sexe et rentabilité. Ces stars une fois dépouillées de leurs attributs, mise à nue, au réel comme au figuré, n’existent plus. Elles ne sont que des images, des légendes sur celluloïd et papier glacé sur lesquels on éjacule et qui finissent par les broyer. Qu’importe que Stella Lester ai joué La Mouette de Tchekhov (c’est quand même incroyable que cette Mouette soit toujours la référence récurrente pour toute actrice débutante…), ce qui lui est demandé n’est pas de cet ordre-là. On pense bien évidemment à l’affaire Weinstein qui éclaire d’un jour glauque les dessous pas très propre d’une industrie prospère. La relation entre Sam Murray, le producteur et découvreur de Stella, et son actrice est sans équivoque ici. Plus loin, dans une scène où en crise elle se barbouille de maquillage on songe, pour qui a vu cette séquence, à cette starlette, Anna Nicole Smith dont la déchéance tragique reste dans les mémoires. Souvenons-nous de cette scène terrible où son mari la filmait, égarée, droguée, se barbouillant elle aussi de maquillage… Mais ici dans Hollywood Boulevard nous n’échappons malheureusement pas aux clichés et le boulevard devient très vite une impasse. Tout cela, tout ce qui est dit et joué n’échappe pas à une vérité que nous n’ignorions pas, que nous n’ignorons plus. Propos battus et rebattus dont les films (on peut y ajouter l’exceptionnel Mulholland Drive de David Lynch, 2001) et les personnalités auxquels il fait référence de manière directe ou indirecte ne suffisent pas ici à alimenter une réflexion qui, et très vite, tourne en rond, prisonnière sans doute de ces références écrasantes qu’il aurait été nécessaire de dépasser pour ne pas tomber dans les poncifs… Et là, Myrtle Gordon manque cruellement. Ce n’est pas la mise en scène – malgré un manque évident de rythme – ni la scénographie, ce ne sont pas les comédiens, au demeurant tous excellents, Francine Bergé en tête en vieille poupée Barbie peroxydée, lucide et paumée tout à la fois, qui sont ici en cause mais bien ce discours rabâché, sans vraiment de recul ni de profondeur, qui n’apporte rien de plus. Les interventions d’Heda Hopper (qui apparaît dans Sunset Boulevard dans son propre rôle) apporte un peu d’humour mais reste bien inoffensive, de l’ordre du potin, au regard d’une réalité bien plus tragique. « La rencontre d’une pathologie individuelle et de l’appétit insatiable d’une culture de consommation capitaliste. Comment comprendre ce mystère ? Cette obscénité ? » écrivait Arthur Miller à propos de Marylin Monroe. C’est justement ce mystère-là qui demeure qu’ Hollywood Boulevard ne réussit pas à percer.

 

Hollywood Boulevard mise en scène de Franck Berthier

Ecriture  Franck Berthier, Francine Bergé, Marie Christine Lefort, Jean-Marie Galey, Magalie Genoud, Arben Bajraktaraj
Assistant à la mise en scène  Anaïs Le Gall
Scénographie  Manuelle Bauduin
Création lumière  Mireille Dutrievoz
Univers sonore  Eric Dutrievoz
Musique et univers sonore  Romain Bernardini
Costumes  Claire Schwartz
Construction des décors  Emmanuel Coelho

Avec Francine Bergé, Marie Christine Lefort, Jean-Marie Galey, Magalie Genoud, Arben Bajraktaraj

Du 12 au 15 décembre 2017 à 19h30

Comédie de Picardie
68 rue des Jacobins
80 000 Amiens

Réservations 03 22 22 20 20

ww.comdepic.com

Tournée :
Le 9 janvier 2018 Espace culturel Saint André / Abbeville

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